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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/501

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Il y a pour la France un intérêt si pressant et si grave à recouvrer sa liberté d’action vis-à-vis de l’Italie, que nous voudrions que tout ce qui pourrait ressembler à un lien, même éloigné, fût scrupuleusement écarté des arrangemens où l’on cherche aujourd’hui une solution. Suivant nous, le principe que la France devait adopter dans ces arrangemens pouvait s’exprimer en ces termes : exiger de l’Italie le moins possible afin de ne lui donner le droit de n’attendre que le moins possible de nous. Ce principe a l’avantage de concilier la générosité avec la prudence, et s’il eût été absolument observé, la France n’aurait pas à se repentir d’avoir fait l’an dernier la guerre pour une idée. C’est dans cette pensée que nous regrettions que l’on eût associé une promesse de concours militaire au conseil de ne pas comprendre la Toscane dans l’annexion ; c’est dans cette pensée que nous eussions souhaité que la question de Savoie ne fût pas soulevée. Nous ne répéterons pas les objections que le projet d’annexion de la Savoie et du comté de Nice nous avait inspirées lorsque ce projet avait été si malencontreusement introduit, — nous avons le droit de le dire d’après une dépêche ministérielle, — dans les discussions de la presse. Aujourd’hui la question est officiellement posée par le gouvernement français ; si même nous ne nous trompons, à l’heure qu’il est, les grandes puissances doivent être saisies des communications annoncées par le discours impérial. Nous ne pouvons donc plus appuyer que d’une justification rétrospective notre opinion antérieure. Nous croyons que le gouvernement français présente la rectification de notre frontière non comme un agrandissement, mais comme une garantie, et qu’il répudie le principe funeste en effet des frontières naturelles, dont on avait voulu voir la résurrection dans la revendication de la Savoie. Il ne s’agit donc pas d’un grand intérêt de la puissance française, et cette considération nous met à l’aise. S’il faut voir dans cette annexion une question de garantie, nous nous serions pour notre compte trouvés mieux garantis en ne demandant rien, mieux garantis vis-à-vis de l’Italie en n’associant aucune question territoriale française aux nouveaux arrangemens territoriaux de la péninsule, mieux garantis vis-à-vis des puissances étrangères en ne fournissant aucun prétexte à leurs réclamations, aucun exemple à leurs revendications futures.

M. Thouvenel nous semblait avoir trouvé le vrai mot de l’œuvre qu’il fallait accomplir en Italie en écrivant à M. de Moustiers qu’il s’agissait d’y créer un intermédiaire impénétrable aux ambitions de la France et de l’Autriche. Entre la France sur la crête des Alpes et les Autrichiens dans le quadrilatère, au lieu d’un intermédiaire impénétrable, nous ne voyons qu’un champ de bataille ouvert de toutes parts, et cette perspective nous sourit peu. Ce n’est pas, on le sait, notre seul scrupule. Il en est que suggèrent naturellement les procédés suivant lesquels cette annexion devra s’opérer. Malgré l’appel que M. de Cavour a déclaré vouloir faire en Savoie au suffrage universel, nous ne pensons pas qu’à l’exécution les choses puis-