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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/706

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des billes est devenue très menaçante. Pour conjurer ce danger, on a pris le parti de réunir le charbon au soufre ; ce dernier, étant moins susceptible de s’échauffer, suffit par sa présence pour éloigner toute éventualité fâcheuse. Quant au salpêtre, il doit de toute rigueur être réduit en poudre séparément, car, réuni au soufre ou au charbon, il peut acquérir des propriétés explosives.

Les proportions du mélange de ces trois élémens n’ont pas beaucoup varié depuis l’invention de la poudre à canon. Après avoir souvent tenté de les modifier, on s’est toujours rapproché du dosage des anciens artificiers, qui prescrivaient de prendre des poids égaux de soufre et de charbon et six fois autant de salpêtre. L’analyse chimique fait voir en effet que ces quantités peuvent donner, avec une combustion complète, le plus grand volume possible de produits gazeux. Il y aurait cependant à ce sujet quelque réserve à faire : dans la pratique et dans le laboratoire, l’expérience a prouvé qu’il y avait quelque avantage, pour les poudres de chasse fines, à réduire un peu le soufre au profit des deux autres élémens ; les armes alors s’encrassent moins vite. Pour les poudres de mine au contraire, une plus faible proportion de salpêtre rend la combustion moins active ; les débris de roc ne sont pas projetés aussi loin, mais l’effet de dislocation est bien plus grand. Le mineur peut aussi obtenir ce résultat, et même le faire varier suivant son désir, en ajoutant à la poudre ordinaire de la sciure de bois ou d’autres matières inertes. On évite ainsi la préparation d’une poudre spéciale pour le service des mines et l’exploitation des carrières.

Le simple mélange à la main du soufre, du charbon et du salpêtre réduits en poudre très fine pourrait suffire à la rigueur ; mais le résultat d’un tel mélange aurait une valeur trop incertaine, et dans les transports les trois corps, inégalement pesans, ne tarderaient pas à se séparer par couches. Le moyen le plus anciennement pratiqué pour rendre l’union plus intime est un battage vigoureux continué au moins pendant dix ou douze heures. Ce battage s’opère sur des quantités d’une dizaine de kilogrammes seulement, placées dans des mortiers de bronze et soumises à l’action de pilons de bois dur ; une faible quantité d’eau, renouvelée à mesure qu’elle s’évapore, a pour objet de réduire la masse en une pâte compacte et homogène. Le seul inconvénient de ce procédé est une extrême lenteur, et dans les momens de presse il faut se résoudre à réduire la durée du battage ou forcer les poids. Alors aussi on a essayé l’emploi de tonnes munies de billes, comme celles qui servent à la trituration, ou de petites meules roulant sur une table de marbre, afin d’agir sur des quantités s’élevant à une cinquantaine de kilogrammes ; mais ces procédés révolutionnaires ne donnent que