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tant d’autres ont obtenu chez les végétaux, sans qu’il se soit pour cela forme une race hybride ? Ces observations s’appliquent à tous les faits du même genre.

Il se passe probablement quelque chose d’analogue dans les croisemens, du bison et de notre bœuf. Les unions entre ces deux espèces paraissent être assez fréquentes aux États-Unis, et, sur le témoignage de Rafinesque, quelques auteurs ont admis que les hybrides de demi-sang étaient féconds entre eux. Nous avons ici à leur opposer un témoignage bien peu, suspect, celui de Morton et de Nott eux-mêmes. Ces auteurs admettent que la fécondité ne reparaît qu’après un nouveau croisement avec le taureau domestique[1]. Nous rentrons donc encore dans ce que nous avaient montré les végétaux, et ce qui complète la ressemblance, c’est qu’en dépit de cette fécondité il ne s’est pas plus formé de race hybride permanente dans les fermes du Kentucky que dans nos jardins de botanique[2].

Abordons enfin ici le fait le plus grave, celui qui semble attester le plus hautement l’existence d’une véritable race hybride, celui que présentent les chabins ou ovicapres issus du croisement des espèces chèvre et mouton. Ils étaient, avons-nous dit, connus des anciens, et devaient être assez communs, puisque le langage du temps possédait deux termes distincts pour exprimer le sens dans lequel s’était faite l’hybridation, Existe-t-il pour cela en Italie entre la chèvre et le mouton ces intermédiaires sans nombre qui s’établissent en dépit de tant d’efforts entre nos diverses races de chiens ? Non. — Dans le midi de la France, les moutons et les chèvres sont à chaque instant mêlés ensemble, conduits aux mêmes pâturages, parfois enfermés dans la même étable. Voit-on apparaître au milieu d’eux des titires ou des musmons ? Pour ma part, je n’en connais pas un seul exemple. — Le croisement dont nous parlons est, ajoute-t-on, des plus faciles ; il a réussi à Buffon et doit réussir de même à tout expérimentateur. Ceci est inexact. Depuis Buffon, de nombreux essais ont été faits au Muséum pour répéter son expérience ; ils ont été inutiles, alors qu’on obtenait d’autres croisemens, considérés comme plus difficiles et plus rares. — De ces faits il faut bien conclure que l’hybridation du mouton et de la chèvre est loin d’être aussi commune qu’on l’a prétendu, et qu’elle est fort incertaine, au

  1. Types of Mankind. — Les renseignemens fournis par M. Weddel sur le troupeau d’alpa-vigognes du curé Cabrera au Pérou nous ont appris de même qu’après bien des insuccès cet expérimentateur n’était parvenu à former son troupeau de vingt-quatre têtes qu’en évitant de croiser entre eux les hybrides de demi-sang. On voit que tous ces faits se ressemblent.
  2. Je tiens ce renseignement de M. Francis Flanagan, éleveur distingué, qui avait fait exprès le voyage d’Europe pour se procurer des reproducteurs. M. Flanagan admettait d’ailleurs la fécondité des croisemens.