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frappe en maître à leur porte, n’apparût pas il y a un an à l’horizon de certains optimistes myopes, le canon d’alarme était tiré, now and then, de Liverpool à Manchester. Le monde manufacturier pourtant ne s’en était pas trop ému. Les Anglais sont défîans, même entre eux. On croyait un peu au berger criant au loup pour se distraire. On allait peut-être les laisser dévorer, lui et son troupeau, lorsque l’approche du danger rappela le bon sens public à la hauteur de sa mission. On connaît maintenant l’abîme où seraient précipités, avec la fortune publique, des milliers de malheureux ouvriers privés momentanément de travail, et une marine qui, pour des raisons qui n’entrent pas dans le cadre de cette étude, s’est arrêtée dans sa période ascendante. Et bien que la presse anglaise se taise sur ce point, on ne se dissimule pas davantage tout ce que pourrait avoir de fatal, quoique sur une échelle réduite, pour l’élément manufacturier national, la nécessité où se trouveraient les autres points de l’Europe de rendre pour eux-mêmes les conséquences de la crise le moins désastreuses possible.

Quant au remède efficace qu’on a trouvé théoriquement sur le papier, le voici : cultiver du coton partout où cette plante peut croître, les États-Unis exceptés, afin de cesser, une fois pour toutes, d’être les craintifs tributaires de ces fiers cousins, propriétaires d’esclaves, ou d’une autre puissance quelconque. La prescription est excellente. Il n’a pas fallu de grands efforts d’esprit pour la trouver. Ce qui sera moins facile, c’est l’application en vue d’un effet immédiat.

Depuis quelque temps déjà, une société connue sous le nom de the Cotton supply association, et dont les élémens appartiennent à l’élite du pays, s’était formée à Manchester. Des correspondans habiles répartis sur les points les plus importans du globe, des missionnaires illustres, parmi lesquels figure le révérend Livingstone, tous vrais pionniers de la parole et de la civilisation, des hommes distingués, auxquels ne manquent ni l’expérience ni les moyens d’action, tel est le matériel de cette société à laquelle le concours des grands corps de la famille anglaise est assuré. Tous à l’envi concourent au but proposé, qui est d’étendre où elle existe déjà, de créer où elle n’existe pas, la culture de cette fibre dont l’équivalent, si elle venait à manquer, reste encore inconnu. En même temps l’association cherche à répandre les moyens les plus perfectionnés de nettoyage du coton en laine, la séparation des graines étant le côté difficile de cette manipulation. C’est ainsi qu’elle a importé aux Indes l’excellente machine dite patent roller-gin de Mac’Arthy de Savannah, dont les meilleurs spécimens ont été construits par M. Thomas Myddleton, habile ingénieur de Londres, sur un modèle expérimenté, il y a plusieurs années, par un négociant suisse en