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la réprimer, Stilicon décida qu’il en serait référé au sénat, arbitre de la paix et de la guerre, suivant l’ancienne coutume, et que ce corps auguste ordonnerait aussi les levées d’hommes qui devraient s’opérer en cas de guerre. C’était un retour aux vieilles lois de Rome, une restitution faite au sénat de droits précieux que les empereurs lui avaient successivement ravis, et qu’il n’avait cessé de réclamer. La mesure fut donc accueillie avec joie, et donna quelque consolation aux Romains parmi tant de sujets d’alarmes. Bientôt arriva un message d’Honorius au sénat. Le jeune empereur s’abstenait de paraître lui-même à Rome, et le régent en faisait autant, afin d’écarter sans doute toute apparence de pression sur les délibérations de l’assemblée. Le message s’exprimait en termes modérés sur la conduite du gouvernement d’Orient dans les affaires d’Afrique, et tendait évidemment à ménager Arcadius, de qui l’on redoutait une intervention armée au profit de la révolte ; mais il s’étendait longuement sur le caractère perfide, l’ingratitude et les crimes antérieurs de Gildon, crimes dépassés depuis par ceux dont il venait d’effrayer les villes romaines, et notamment Carthage, et par cette saisie odieuse de l’escadre frumentaire, dans la pensée d’affamer le peuple de Rome. Il concluait à la guerre et à des levées d’hommes extraordinaires, tant pour la soutenir que pour mettre l’Italie à l’abri d’un coup de main.

La délibération eut lieu avec une solennité inaccoutumée. On décréta la guerre contre Gildon, une levée d’hommes pour l’augmentation de l’armée, et des prières publiques à l’effet de conjurer les maux de la famine. Le sénat regarda aussi comme un devoir de rappeler le fils aîné de Théodose aux sentimens d’affection naturelle envers son frère, l’empereur d’Orient aux sentimens de concorde envers celui d’Occident, et afin que la leçon fût moins blessante pour le jeune souverain et pour ses conseillers, on pria Symmaque d’écrire la lettre en son propre nom, soit comme prince du sénat de Rome, soit comme ancien ami de Théodose. Prince du sénat, grande pontife du culte national, et son courageux et éloquent défenseur vis-à-vis des empereurs chrétiens, Symmaque, aussi respecté pour son caractère que célèbre par son mérite, semblait l’âme et le génie de la vieille Rome. Sa lettre ne trouva pourtant à Constantinople qu’indifférence et mépris. Arcadius dut protester de son désir sincère de la paix : il était étranger à ce qui venait de se passer en Afrique ; mais pouvait-il rejeter des peuples qui se donnaient à lui ? Son gouvernement était romain comme celui de son frère, l’Afrique ne cesserait donc point d’appartenir à la grande unité de l’empire. Telles furent sans doute ses raisons. Quant à son assistance effective en faveur des provinces insurgées, il n’en parla probablement pas,