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LES SHIKAREES
CHASSES DANS L'INDE

ENTRETIENS CYNEGETIQUES DU CAPITAINE HENRI SHAKSPEARE.[1]

Au mois de septembre 1860, je tirais des grouses sur les bruyères dorées qui bordent la belle forêt d’Invercauld, au milieu des monts Grampians. — Au mois de décembre, un steamer de la Peninsular and Oriental Society, me berçait sur les eaux limoneuses de l’Hooghly, et le déplacement avait été si imprévu, si promptement réalisé, que je me demandais, en me frottant les yeux, si j’étais réellement à Calcutta. Mes doutes furent levés d’une manière péremptoire et sinistre par la vue d’un cadavre qui descendait le fleuve, sa face blême exposée au soleil, les bras étendus en croix, et servant de perchoir à une demi-douzaine de buses voraces. Évidemment nous étions arrivés. Le soir même en effet, je couchais dans une chambre qu’on avait retenue pour moi au Bengal-Club, dont j’étais, depuis un mois déjà, membre honoraire.

Le Bengal-Club, qui donne sur l’esplanade, en face de la Chowring-bee, est une belle et fraîche maison, close de tous côtés. On y vit dans l’ombre et le silence. Au milieu de ses salons, garnis de sofas, le bâillement d’un lecteur ennuyé, le froissement du journal qui l’ennuie, semblent des bruits tumultueux. Sans les échos du billard qui nous renvoyaient de temps en temps le choc de deux billes

  1. En traduisant ces pages où se révèle un sportsman exercé, nous avons cédé au désir de faire connaître non-seulement l’auteur d’un livre des plus spirituels et des plus vrais sur les grandes chasses de l’Inde, mais aussi ce livre même, dont les conversations attribuées au capitaine Shakspeare sont à beaucoup d’égards le piquant résumé. (E. D. F.)