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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/821

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voulaient faire imprimer, les autres non. Le roi, qui avait été informé par l’évêque Williams[1], déjà depuis plusieurs semaines, de cette nouvelle trame, en était fort ému, et d’avance faisait composer par M. Hyde une réponse aux griefs énumérés en cette espèce de pétition. Il y voyait, avec plus ou moins de vérité, la conséquence de négociations antérieures à son voyage d’Ecosse, et qui avaient échoué. Effectivement le premier projet de la remontrance datait du mois d’août, après qu’eut avorté une négociation ouverte en juillet, et qui devait faire entrer dans les conseils de sa majesté les plus dangereux de ses adversaires. MM. Hampden et Denzil Hollis étaient d’abord désignés comme candidats à la charge de principal secrétaire d’état (plus tard ils abandonnèrent leurs prétentions à cet emploi en faveur de lord Mandeville-Kimbolton), lord Say and Seale devait être lord-trésorier, et M. Pym, — le plus à craindre de tous, — chancelier de l’échiquier[2]. Celui-ci avait déjà reçu des offres semblables ; mais adressées à lui seul, quand le roi désespérait de sauver autrement la tête de son ministre Strafford, elles avaient été silencieusement déclinées : — peut-être venaient-elles trop tard. Cette fois encore, elles le furent par suite de la méfiance regrettable en laquelle était tenue désormais la parole royale. En voyant le monarque travailler de si grand cœur tantôt à éteindre les troubles d’Ecosse par des concessions qu’on savait répugner à sa conscience et qu’il espérait bien retirer à l’occasion, tantôt à susciter par des menées couvertes la révolte des catholiques irlandais sans tenir compte des graves dommages qui en résulteraient pour le pays, tantôt à désunir les deux chambres, ou même à décomposer l’opposition des communes en lui enlevant, par l’appât des grandes charges, ses principaux chefs, Pym et ses amis en étaient venus à douter qu’ils fussent en sûreté dès qu’il les aurait dépopularisés en les faisant entrer dans le conseil. Chaque fois que le roi les appelait à lui, c’était en désespoir de cause et pour un but déterminé : hier pour sauver Strafford, aujourd’hui pour conserver l’épiscopat. Au fond, ils se sentaient haïs de lui, et ne pouvaient s’assurer en la bonne foi d’un homme qui jouait si fréquemment avec des dés pipés. Ils avaient donc refusé, et depuis ce moment, au lieu de caresses

  1. Williams, évêque de Lincoln, et qui allait être promu à l’archevêché d’York par suite de sa réconciliation avec le roi. On était venu lui demander de consentir à ce que le procès qui lui avait jadis été intenté devant la chambre étoilée figurât au nombre des griefs énumérés dans la remontrance, et, non content de refuser, il se hâta de dénoncer à Charles Ier cette démarche menaçante.
  2. Ce projet de Charles Ier de donner le pouvoir à ceux qui venaient de faire tomber la tête de Strafford est parfaitement avéré aujourd’hui, grâce à deux lettres du secrétaire d’état Nicholas à l’amiral Pennington, retrouvées dans le State Paper office. Elles sont textuellement citées par M. Forster, Arrest of the five members, p. 54 et suiv.