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résisterait-il aux frimas ? Chose merveilleuse, ce n’est point d’aujourd’hui que le centre et le nord de l’Europe produisent de puissantes forêts ; dans les temps géologiques les plus anciens, dès l’époque houillère, les végétaux s’accumulaient pour nous préparer des provisions de combustible. En Orient, où l’homme n’a point à se prémunir contre les intempéries des saisons, le bois et le charbon de terre sont également rares.

Les Monts-Olympes ont pu conserver sur leurs hautes cimes des forêts de pins ; la belle couronne de verdure de ces montagnes contraste avec la blancheur des plaines environnantes. Les forêts entretiennent une douce fraîcheur ; elles sont ainsi une source de richesse pour la végétation d’une grande partie de l’île ; cependant le gouvernement turc né cherche pas à les conserver. Un berger a-t-il le caprice de semer de l’orge dans les montagnes, il brûle les arbres ; la cendre fertilise le sol pendant quelques années ; il en profité pour le cultiver ; puis il abandonne son champ pour en former un autre par le même moyen, sans se préoccuper de la disparition des arbres, qui, sous le ciel brûlant de Chypre, ne repousseront que bien lentement. On voit même incendier les bois de pins sans autre but que le plaisir de détruire. La résine alimente la flamme, dont la lueur se projette au loin sur l’horizon. Les branches craquent, le vent chasse dans les airs les feuillages enflammés : feu d’artifice admirable, mais désastreux. Souvent l’homme porte en lui l’instinct de l’ingratitude et de la destruction ; l’habitant des cités renverse la société qui l’a élevé, celui des déserts, s’acharne contre la nature qui le nourrit !

Suivant M. Fourcade, ancien consul à Chypre, l’étendue des terres cultivées annuellement n’est que de 65,000 hectares, ce qui serait la quinzième partie de l’île ; mais, comme les terrains restent souvent trois années en jachère, il faut compter trois fois plus de terres cultivées, c’est-à-dire près de 200,000 hectares. Ce chiffre correspond environ au cinquième de la superficie de l’île ; c’est bien peu Comparativement aux pays de l’Europe. À voir tant de terres incultes ou mal soignées, on croirait que les Cypriotes sont dans la misère ; ce serait une erreur. S’ils n’améliorent pas l’agriculture, c’est que chaque famille se procure facilement la récolte nécessaire à ses besoins. Comme la population n’est pas en proportion de l’étendue de l’île, on préfère de grandes cultures mal faites aux petites cultures bien faites. On ne fume pas les terres, elles se rétablissent en se reposant. On creuse à peine les sillons ; les graines sont semées lâchement. Si jamais un capitaliste européen était assez puissant pour acheter une partie des terres de Chypre et qu’il pût y amener un nombre suffisant d’ouvriers laborieux, il tirerait facilement un produit double ou triple de celui que l’on obtient actuellement.