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Le gouvernement de juillet ne tarda pas à éprouver les inconvéniens de cette prépondérance : loin de la favoriser, comme on l’en a accusé, il aurait bien voulu pouvoir la restreindre ; on va même voir que la résistance timide, abandonnée aussitôt qu’essayée, a été, au point de vue économique, le caractère distinctif du règne. Les tentatives pour relâcher les rigueurs du régime commercial et limiter autant que possible le terrain conquis par le monopole se renouvellent fréquemment pendant les premières sessions : elles sont à chaque fois paralysées ou faussées par des majorités compactes et résolues. Trois projets concernant les douanes sont introduits, en décembre 1831, par M. d’Argout, en décembre 1832 et février 1834, par M. Thiers. On les met à l’étude dans les bureaux, on leur consacre de volumineux rapports qui, par une sorte de fatalité, arrivent toujours trop tard pour être discutés utilement.

L’échelle mobile pour le commerce des grains avait donné des résultats tout contraires à ceux qu’on avait annoncés. Pendant la série des bonnes récoltes (1821-1826), elle n’avait pas empêché l’avilissement des prix ; dans les années médiocres ou mauvaises (1827-1830), le pouvoir avait remarqué qu’elle créait un danger en faisant obstacle aux importations devenues nécessaires. On avait dû la suspendre par ordonnance en 1830, avec promesse de soumettre la loi à la révision. En effet, le gouvernement proposa en 1832 des combinaisons nouvelles qui, sans supprimer les tarifications arbitraires, élargissaient beaucoup le champ de la concurrence. Quelques orateurs d’un libéralisme trop éclairé pour faire fausse route en pareille occasion, MM. le duc d’Harcourt, Duvergier de Hauranne, Alexandre de Laborde, firent entendre des paroles aussi sensées que généreuses. Il suffit pour les effacer de ces mots prononcés par M. de Saint-Cricq : « Le jour où la chambre et le gouvernement auront abandonné la protection de l’industrie agricole, ce jour-là sera la veille de celui où ils abandonneront la protection de tous les produits industriels. » Le rapporteur, M. Charles Dupin, rassura les consciences indécises en affirmant que le prix des salaires est toujours en rapport avec celui du pain, et que le prolétaire n’a qu’à perdre à l’abaissement du prix des blés, doctrine contraire à l’évidence, mais que les prohibitionistes ont trouvée bonne, et qui est restée dans l’arsenal de leurs armes défensives. La timide réforme essayée par le gouvernement fut donc repoussée, et on revint à l’ancienne échelle mobile, avec quelques modifications plus apparentes que réelles. On supprima par exemple la prohibition que le système antérieur admettait en certains cas, mais on modifia les chiffres régulateurs de manière à ce que les entrées et les sorties de grains ne fussent pas plus faciles que par le passé. Ainsi amendée pour un an