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UN NOUVEL ESSAI
D’ESTHÉTIQUE

La Science du Beau, par M. Charles Lévêque[1].

La science du beau chez les modernes est toute récente. En Écosse elle date d’Hutcheson, en Allemagne de Kant, en Angleterre de Burke, en France de M. Cousin. Sans dédaigner l’élégant Essai sur le Beau de cet aimable, honnête et courageux jésuite, le père André, sans faire tort non plus aux Salons de Diderot, où la verve incohérente et fumeuse de ce mobile génie éclate en mille brillans aperçus, on peut dire que c’est seulement depuis un demi-siècle que la philosophie du beau a pris parmi nous la forme d’une science.

L’ouvrage que M. Charles Lévêque donne aujourd’hui au public vient en droite ligne du mouvement philosophique de 1818. Il ne doit rien à l’Allemagne, ni à l’Écosse ; c’est un livre tout français. Pour le juger, il faut voir ce qu’il emprunte et ce qu’il ajoute même aux travaux de M. Cousin et de M. Jouffroy. J’omets ici le nom de Lamennais, qui a pourtant traité certaines parties de l’esthétique avec grandeur et originalité ; mais, en dépit de son beau style, l’illustre auteur de l’Esquisse d’une Philosophie n’a pas su donner à son idéalisme emprunté et tardif un caractère philosophique bien déterminé. Si M. Charles Lévêque n’avait eu d’autre ambition que de résumer les travaux de l’esthétique française, il suffirait de dire

  1. 2 volumes in-8o, chez Durand, rue des Grès, 7.