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accidens extérieurs, nous crée un état de choses pénible, mais qui s’aggravait bien davantage au milieu des inquiétudes qu’inspirait une politique financière peut-être mal engagée, en tout cas mal définie. En de telles circonstances, le mal moral, la maladie des imaginations, grossit et envenime les embarras réels. C’est aussi en agissant sur le moral et l’imagination que l’on doit porter d’abord le remède dans des situations semblables. Il faut espérer qu’à cet égard la publication seule du programme de la nouvelle politique financière produira une impression favorable. Cette impression, qui sera sans doute confirmée de jour en jour par les actes du ministre des finances, doit nous aider à sortir plus facilement qu’on ne l’aurait cru il y a un mois de la crise des subsistances et de la crise monétaire. Il est permis de dire que notre crédit financier est loin d’être à la hauteur où devraient le porter les ressources et la puissance intrinsèque d’un pays tel que la France. Notre patriotisme doit souffrir des échecs trop prolongés que nous subissons à cet endroit. Relever le crédit français est une ambition digne d’un homme d’état, et à la façon dont M. Fould est rentré au pouvoir, il est permis de croire qu’il y porte cette généreuse ambition. On nous pardonnera du moins notre optimisme d’aujourd’hui en se rappelant que naguère nous avons exprimé des craintes qu’on retrouve dans le rapport de M. Fould ; nous formions des vœux qui sont en grande partie satisfaits par les mesures annoncées aujourd’hui au Moniteur. N’aurions-nous pas mauvaise grâce à dissimuler notre satisfaction ?

Cet optimisme ne nous abandonne pas quand nous envisageons les conséquences politiques naturelles de la réforme constitutionnelle qui va s’accomplir. Disons d’abord que la concession a été faite au bon moment et dans une forme heureuse. L’efficacité d’une concession dépend en effet principalement de la promptitude avec laquelle elle est consentie : une concession trop longtemps marchandée finit par n’être plus pour celui qui se la laisse arracher qu’une humiliation et une défaite. Nous ajouterons que l’empereur a fait preuve de bon goût en laissant à M. Fould devant le public tout le mérite de l’initiative de la réforme résolue. C’est, si nous ne nous trompons, la première fois sous le présent régime qu’un tel rôle a été dévolu à un homme politique. L’initiative exceptionnelle qui vient ainsi d’être reconnue à M. Fould donne au nouveau ministre une position exceptionnelle aussi dans le cabinet, et ne peut manquer de lui apporter plus de force pour remplir la mission qui lui est confiée au département des finances. Pour nous qui, par souvenir d’éducation parlementaire et par goût naturel, aimons à voir l’initiative dans les hommes publics, cette situation nouvelle d’un ministre n’est point faite pour nous déplaire. Il y a aussi une conviction que nous avons exprimée depuis longtemps, c’est qu’au milieu des sociétés modernes, où l’influence des lois économiques est si grande, la position prépondérante dans les gouvernemens doit être accordée aux ministres des finances. De notre temps il n’est plus possible d’être un homme