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du 20 octobre comme celle du 26 février. De l’empereur François-Joseph à la Hongrie, il n’y avait pas de concessions possibles, mais bien l’exécution de traités solennels. On peut transiger sur des traités, on ne se rend point à des concessions. Écartons au moins, en nous reportant à cette première phase du mouvement hongrois, le grief théorique dont il s’agit. Sous forme de concessions ou de transactions, les hommes influens de 1860 auraient accepté du gouvernement impérial un arrangement à certains égards moins radical. Il est même profondément regrettable qu’à ce moment des négociations plus suivies n’aient pas permis d’arrêter des moyens d’exécution plus détaillés et plus pratiques : bien des mesures que l’opinion de l’Europe entière devait fortifier de son approbation eussent pu faire l’objet d’une première entente, et l’on eût évité ainsi des causes de trouble et de querelle ; mais, sous forme de transaction pas plus que sous forme de concession, les hommes dont l’influence ne tarda pas à se substituer à celle des magnats du conseil renforcé n’auraient admis les réserves que le gouvernement autrichien crut devoir insérer dans la nouvelle constitution, pour sauvegarder la situation de l’empire telle que l’avaient faite les événemens contemporains et les nécessités de l’équilibre de l’Europe.

En réalité, ce sont les hommes de 1848 qui, dans les comitats et par suite dans la diète, se sont emparés de l’influence ; ce sont les lois de 1848 qui forment tout le fond du débat ; c’est la Hongrie de 1848 dont on revendique la restauration, et non la Hongrie historique et traditionnelle, dont le souvenir n’est invoqué qu’à titre d’argument. Dans la Hongrie et dans les hommes de 1848, il faut toutefois distinguer deux nuances et deux partis, l’un séparatiste, mais conservateur, l’autre plus radical, plus passionné et franchement hostile à la dynastie. Le premier semble jusqu’ici mener le mouvement hongrois ; au fond, il obéit à l’autre, ou du moins il sert ses desseins. Les hommes de 1848 appartenant à cette première nuance qui vient d’être indiquée ont pour chef et pour organe M. Deak, ancien membre du cabinet hongrois dont M. Kossuth faisait partie, que présidait l’infortuné comte Bathyany, et qui fut nommé par l’archiduc palatin après les concessions obtenues de gré ou de force de l’empereur Ferdinand. M. Deak, député de Pesth, est jusqu’à présent l’interlocuteur officiel de l’empereur lui-même dans le débat soulevé entre la Hongrie et son souverain. Les séances de la diète n’ont eu pour principal objet que de discuter les termes des requêtes et d’entendre les réponses dont se compose ce dialogue entre un sujet orateur d’un seul peuple et un roi défenseur de vingt races diverses. Qui l’emporte jusqu’ici dans ce débat en raison politique, en sagesse, en éloquence, du sujet ou du roi ?

La diète hongroise, convoquée pour le 6 avril 1861, s’ouvrit ce