Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ne voulant pas vider trop vite sa pépinière de travailleurs, n’a consenti d’abord qu’à nous en octroyer 6,000, nombre illusoire, quand les besoins de notre colonie en exigeaient 50,000 et au-delà. Grâce à la persistance d’un honorable planteur, M. Imhaus, naguère encore délégué de la colonie à Paris, l’Angleterre a consenti à se montrer enfin traitable, et une convention vient d’être passée entre les deux gouvernemens, qui permet à la France d’engager dans l’Inde, sous certaines réserves, autant de travailleurs qu’elle voudra. Tout ira bien tant que la fraternelle alliance durera ; mais si l’union anglo-française est un jour rompue, qui alimentera nos colonies de travailleurs ? Il y avait, il y aura toujours la Chine, à laquelle on n’a pas voulu songer ; il y aura peut-être aussi la Cochinchine, si nous y établissons des comptoirs sérieux. On a repoussé les Chinois à Bourbon, et l’on on en veut plus entendre parler à aucun prix. On les accuse d’être des voleurs et des paresseux de la pire espèce ; mais on oublie de dire qu’on les avait, pour une première expérience, ramassés à la hâte à Singapore, dans une espèce de presse, comme celle qui est usitée en Angleterre pour recruter des matelots. Doit-on s’en rapporter à un seul essai sur 200 Chinois, peut-être échappés des galères, quand on voit ce que les Chinois ont fait et font encore tous les jours en Australie et en Californie ? Dans ce dernier pays, nous n’avons pas vu moins de 50,000 travailleurs de cette race, et ils seraient bien plus nombreux encore sans la proscription prononcée par les Américains, qui ont craint une invasion de la race jaune. Tous ces Chinois travaillent sur les placers et dans les jardins avec un ensemble merveilleux ; aucun mineur ne connaît mieux le lavage des sables aurifères, aucun agriculteur ne soigne mieux ses jardins ou ses champs. Il nous semble que de tels travailleurs, intelligens, paisibles, industrieux, comme ils le sont tous, quoi qu’on ait pu dire, rendraient de grands et signalés services dans nos colonies, surtout pour la culture de la canne et la fabrication du sucre, que les Chinois connaissent déjà et pratiquent chez eux sur une grande échelle. Il y a en Chine une porte d’immigration toujours ouverte pour les colonies. La Havane et le Pérou, qui y ont frappé, s’en sont montrés fort satisfaits, nous le savons personnellement. En outre ce moyen d’immigration est toujours accessible ; il n’est pas besoin de traités pour le faciliter, et l’on sait fort bien que les coolies chinois ne redoutent guère pour eux-mêmes les défenses d’émigration édictées par leur empereur. À Maurice, les Chinois ne fréquentent pas les plantations, où peut-être ils ont travaillé un moment ; ils se sont réservé le commerce de détail, surtout celui d’épicerie, qui leur est entièrement dévolu.

Pour terminer cet examen des différentes races établies dans la