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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/1012

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était le meilleur fumeur et le buveur le plus solide. Le poète l’eût emporté sur tous les autres, n’eût été le curé, qui, ayant, à la honte de son habit, obtenu la majorité des voix, fut mis à la tête de la joyeuse compagnie, pendant que le poète célébrait cette cérémonie en chantant : « Oh ! où donc sous le ciel sont les sept hommes qui pourraient se comparer pour la soif à ces sept compagnons ? Mais de ces sept, les plus résistans à la bonne à le sont le joyeux curé et le fils d’Apollon. »


J’ai dit que ce livre traduisait à chaque page des préoccupations ecclésiastiques, et c’est là son grand défaut ; mais de ce défaut même naît un genre particulier d’intérêt. Tous les préjugés, toutes les petitesses, tous les faux jugemens d’une certaine classe d’hommes s’y rencontrent, si bien que ce petit livre pourrait être pris comme manuel des erreurs d’esprit qui sont inhérentes à la profession ecclésiastique. Il y a là des péchés véniels exagérés jusqu’au péché mortel, des omissions et des négligences de conduite transformées en fautes préméditées et indignes de pardon, par exemple avoir dansé le dimanche ou s’être absenté du service religieux. Les ménétriers y sont maudits comme des rivaux et des concurrens. L’auteur nous montre quatre de ces malheureux dans le royaume de la Mort, qui demandent grâce à la terrible souveraine et qui s’excusent de leurs fautes par d’assez bonnes raisons vraiment : « Nous n’avons jamais fait de mal à personne, mais nous avons rendu souvent les gens joyeux, et nous avons pris tranquillement et sans rien exiger ce qu’ils voulaient bien nous donner pour nos peines. — Mais, dit la Mort, n’avez-vous jamais distrait personne de ses travaux ? n’avez-vous jamais fait perdre leur temps aux gens, et ne les avez-vous pas éloignés de l’église ? Ah ! ah ! — Oh ! non ! répondit un second. Peut-être de temps à autre, le dimanche après le service, en avons-nous retenu quelques-uns au cabaret jusqu’au lendemain, et en été peut-être bien nous est-il arrivé de les faire danser sur la pelouse toute la nuit ; mais nous étions très aimés, et il nous était plus facile qu’au curé de réunir une congrégation. — En route, en route pour la contrée du désespoir, avec ces drôles ! dit la terrible reine ; qu’on les attache tous quatre dos à dos, et qu’on les jette à leurs pratiques pour danser pieds nus sur un plancher brûlant et pour battre l’amble sans musique pendant l’éternité ! »

Les pauvres gypsies ne sont pas mieux traités que les ménétriers. Le ministre ne peut pardonner à ces protégés de M. Borrow leur métier de diseurs de bonne aventure et leur vie errante. « Oh ! oh ! dit Lucifer, comment donc, vous qui disiez si bien aux autres leur bonne fortune, n’avez-vous pas prévu que votre propre destinée vous mènerait à cette prison ? Mais les gypsies ne trouvèrent pas un mot à répondre, tant ils étaient stupéfaits de contempler des