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quelle est la valeur de M. Scherer. Nous plaçons sans hésiter auprès de lui M. Colani. Il serait facile de citer d’autres noms des plus recommandables. Ainsi M. de Pressensé a été dans l’origine un de leurs collaborateurs avant qu’il eût marqué sa nuance personnelle et le caractère distinctif de ses idées et de son talent par d’autres œuvres et un autre genre de prédication. Nous ne réunirons cependant ici aux deux écrivains d’abord nommés que M. Réville, qui n’est pas non plus inconnu de nos lecteurs, et M. Edouard Reuss, qui a pris par un ouvrage important une place considérable parmi les historiens de la théologie chrétienne. Ce n’est pas que les quatre auteurs que nous venons de distinguer se répètent les uns les autres et obéissent au même mot d’ordre. Chacun au contraire marche dans sa voie, et ils ne sont ni associés ni subordonnés entre eux. Ils sont libres, comme doivent l’être des défenseurs de la liberté, de la science et de l’esprit, mais ils ont certainement des caractères communs, ils vont dans le même sens, ils se meuvent dans le même ordre d’idées, et ils contribuent chacun à sa manière au même mouvement dans l’esprit humain et peut-être dans la conscience humaine.

J’ai dit que l’origine de la séparation de M. Scherer avait été son dissentiment sur l’inspiration et le canon des Écritures. Et l’on peut en effet ramener à la manière de définir l’inspiration et de concevoir la canonicité des livres sacrés tout dissentiment essentiel sur le dogme et sur la foi. Il ne faudrait pas grand artifice pour rattacher à ces deux points l’existence de toutes les sectes et les opinions particulières d’un Luther, d’un Pascal, d’un Bossuet, d’un Grotius, d’un Leibnitz. Si nous nous interrogeons nous-mêmes en lisant la Bible, nous reconnaîtrons que notre manière de la comprendre contient au fond une théorie sur ce que c’est que la parole de Dieu. Il sera bon d’indiquer les termes généraux de la question, sans prétendre autre chose que déterminer l’état d’esprit de ceux qui la posent et la décident.

L’Écriture est divinement inspirée : nous prenons ce point pour accordé. Il faudrait en effet n’être chrétien à aucun degré pour nier que l’Écriture soit inspirée, si ces mots veulent dire pour le moins qu’elle est le monument, le témoignage d’une révélation divine. On peut même en tomber d’accord sans presque avoir droit au titre de chrétien. Il suffit de croire à une certaine action de la Providence.

On entrevoit déjà que l’inspiration, comme au reste toute autre expression dogmatique, peut être entendue de deux manières : l’une stricte, littérale, absolue, judaïque, l’autre plus libre et plus raisonnée. On peut croire que les mots mêmes du texte biblique dans toutes ses parties ont été inspirés, comme si les auteurs avaient