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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/174

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la Banque elle-même aurait dû mieux comprendre les charges que lui impose son monopole.

Avec l’établissement d’une succursale dans chaque département, la Banque de France se trouverait à même de rendre un autre service qui a une grande importance. On sait qu’en Angleterre c’est la Banque qui, au moyen de ses succursales, est chargée de recevoir des mains des collecteurs particuliers la totalité de l’impôt, et la perception ainsi faite, appliquée aux impôts proprement dits, c’est-à-dire à la taxe des douanes, à celle sur la terre, sur le revenu et à l’excise, coûte à peu près 4 pour 100. Chez nous, la même perception coûte environ 6 pour 100. Pourquoi ne ferions-nous pas comme en Angleterre, et ne chargerions-nous pas la Banque de France de centraliser, au moyen de ses succursales, la perception des impôts ? Si nous arrivions ainsi à économiser 2 pour 100 sur les frais de la perception, c’est-à-dire 30 millions sur les 1,500 qui forment le montant des impôts proprement dits, ce serait une économie précieuse en tout temps et surtout dans les circonstances actuelles. C’est en rendant des services de ce genre et d’autres encore que la Banque de France pourrait se faire pardonner son monopole ; mais ce qu’on ne peut pas lui demander, c’est qu’elle s’engage, quelles que soient les circonstances, à maintenir invariable le taux de son escompte, car au bout d’une stipulation de ce genre il y a fatalement ou la suspension des paiemens, ou le cours forcé. Or la suspension des paiemens, c’est la faillite, et quant au cours forcé, si l’on avait quelques doutes encore après les enseignemens du passé sur les effets qu’il peut produire, on n’aurait qu’à voir ce qui se passe aujourd’hui en Russie et en Autriche. Dans ces deux pays règne le cours forcé ; aussi n’y a-t-il plus d’espèces métalliques, et le papier perd-il dans l’un de 12 à 15 pour 100, dans l’autre 30 et 40 pour 100. La question de principe ainsi vidée, voyons maintenant la question d’opportunité en ce qui concerne les dernières mesures prises par la Banque de France.

La Banque de France, à la fin de septembre 1861, crut devoir porter à 5 1/2 et quelques jours après à 6 pour 100 le taux de son escompte, qui auparavant était à 5 pour 100. Cette mesure fut vivement critiquée, parce qu’on ne voyait rien dans la situation qui indiquât l’apparence d’une crise. L’argent était abondant partout, il était à 3 1/2 en Angleterre, et la Banque de Londres ne trouvait pas à employer tous ses capitaux. Une crise s’annonce ordinairement lorsqu’il y a eu des excès de spéculation, un commerce exagéré, ce que les Anglais appellent over-trade, phénomène qu’on avait pu observer avant la crise de 1857. Ce n’était pas le cas de cette année. Les affaires étaient plutôt en décroissance sur les années