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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/387

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lieu d’être à la charge des propriétaires riverains, serait à l’avenir supporté par toute la paroisse, mais le clergé et la noblesse, considérant que la prestation en argent, représentative de la corvée, pesait déjà trop sur le tiers-état, qui en fournissait la majeure partie, demandèrent à être autorisés par le roi à s’imposer une somme extraordinaire de 50,000 livres par an, exclusivement perçue sur leurs propres biens, afin de venir en aidé à la province pour l’acquittement des indemnités arriérées et l’achèvement des travaux commencés.

Parmi les travaux publics de la province, il en était un dont l’assemblée n’eut pas à s’occuper, parce qu’il était entrepris aux frais de l’état, mais qui n’a pas peu contribué à enrichir ce coin reculé du territoire : c’est le port de Cherbourg. Louis XVI avait une véritable passion pour la marine ; il avait dépensé des sommes énormes pour mettre la flotte française en état de lutter contre les Anglais dans la guerre d’Amérique ; le surcroît de dette publique qui a servi de prétexte à la révolution n’avait pas d’autre origine. Des travaux considérables s’exécutaient par ses ordres dans tous les ports de l’Océan, et il avait voulu en créer un à Cherbourg, comme une menace perpétuelle contre l’Angleterre. L’entreprise commencée avait ce caractère gigantesque qu’elle a conservé jusqu’au bout. Louis XVI voulut assister lui-même à l’immersion d’un de ces fameux cônes qui devaient vaincre l’Océan : il fit le voyage de Cherbourg en 1786 ; ce moment fut le plus heureux de sa triste et courte vie. Il inspecta avec soin les ouvrages et parcourut la rade sur le vaisseau le Patriote, car les vaisseaux portaient déjà ces noms précurseurs, au bruit des salves d’artillerie et des cris de vive le roi ! A son retour, il ramena dans sa voiture le duc de Liancourt, grand-maître de sa garde-robe, les. maréchaux de Castries et de Ségur et le marquis de La Fayette. L’entretien avec de pareils hommes ne put avoir pour objet que la gloire et le bonheur de la France.

L’assemblée n’eut pas non plus à se préoccuper beaucoup des corvées, car c’était dans cette généralité qu’un intendant éclairé, M. de Fontette, avait, sous Louis XV et avant Turgot, essayé le premier de substituer le rachat en argent à la corvée en nature pour les chemins ; voilà donc encore une province où la corvée n’était plus en usage que par exception, et depuis environ trente ans. M. de Fontette avait donné aux contribuables l’option, et la plupart avaient préféré le rachat ; c’est le marquis de Mirabeau qui nous l’apprend dans sa Lettre sur les corvées, publiée en 1762.

On a vu qu’en offrant l’abonnement des vingtièmes, le gouvernement y mettait pour condition une augmentation immédiate. Le déficit des finances était flagrant, il devenait absolument nécessaire