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Le Poitou était rédimé de l’impôt du sel ; mais des difficultés s’élevaient sur les frontières de la province, par suite des moyens mis en œuvre pour empêcher la contrebande. La question fut soumise à l’assemblée par un rapport spécial. « Les troubles, y est-il dit, que produisit l’établissement de l’impôt du sel donnèrent lieu, en 1542, à une assemblée des états dans la ville de Poitiers, où il fut convenu d’offrir au roi 200,000 écus, le remboursement des officiers et le paiement des droits de quart et de demi-quart. En 1549, le roi donna les lettres patentes qui adoptèrent le vœu et les offres de la province pour la suppression des greniers à sel, mais il se réserva le droit de quart et demi. Les exactions des fermiers de ce droit excitèrent de nouvelles plaintes ; alors se prépara ce contrat mémorable qui rendit aux provinces rédimées la franchise du sel. On y voit la détermination du roi Henri II d’accorder aux provinces de Poitou, Saintonge, Aunis et autres, la faculté de racheter l’impôt, l’ordre donné par le souverain d’y faire assembler les états et d’y nommer des députés qui fussent garnis de procurations suffisantes, le monarque stipulant ensuite pour lui et ses successeurs, et les députés des états, sa majesté, par contrat perpétuel et irrévocable fait avec lesdits états, vend, quitte, cède, délaisse et transporte le droit de quart et demi-quart de sel ès dits pays, et permet de franchement et librement vendre, débiter, troquer, échanger, distribuer et transporter, tant par mer que par rivière et par terre, ledit sel, tout ainsi que bon leur semble. » Depuis ce contrat, les fermiers de la gabelle avaient cessé, par toute sorte de chicanes, d’empiéter sur les privilèges de la province ; le Poitou se défendait de son mieux. Un arrêt du conseil du roi, rendu en 1773, révoqué en 1774, rétabli en 1786, venait d’accorder aux traitans le privilège exclusif d’approvisionner les dépôts de sel situés, sur les frontières des provinces rédimées, à cinq lieues des pays de gabelle. Le bureau proposait de demander de nouveau au roi la révocation de cet arrêt.

Quant aux vingtièmes, l’assemblée refusa l’augmentation demandée, mais en termes plus convenables que l’assemblée de Tours, et avec de meilleures raisons, car la pauvreté du Poitou était réelle, Dans l’échelle dressée par Necker des généralités par ordre de population et de richesse, le Poitou occupait un des derniers rangs, et Necker écrivait avant la disette de 1785, qui a laissé dans le pays un si lugubre souvenirs. « Exposons avec candeur, disait le rapport, aux yeux du père de la patrie le dépérissement de cette province ; disons-lui que, dépourvue de communications dans une grande partie de son territoire, elle languit sans commerce et sans vigueur, qu’énervée par la misère et attaquée de maladies épidémiques, elle a la douleur de voir décroître chaque année sa population