Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/427

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traités inégalement conclus et plutôt imposés que consentis, des violences exercées et subies ne sauraient avoir plus d’autorité dans cette jurisprudence que n’en ont devant la justice civile les arrêts de juges prévaricateurs ou les décisions arbitraires de pouvoirs despotiques.

Depuis quarante ans, le monde a changé de face ; les progrès de la civilisation, la vapeur, les chemins de fer, la télégraphie électrique, ont rendu les peuples de plus eh plus solidaires. L’exercice rigoureux des droits des belligérans, tels que ces droits étaient reconnus par les défenseurs des droits des neutres dans les traités de 1780, de 1794, de 1800, et dans les traités postérieurs, ne pourrait plus être supporté en cas de guerre européenne. L’Angleterre soulèverait l’univers contre elle, si elle songeait jamais à faire prévaloir les principes qu’elle soutenait encore en 1812 contre les États-Unis d’Amérique, glorieusement armés pour défendre la liberté des mers.

Il ne saurait entrer dans le cadre de cette étude de remonter aux origines et de suivre les vicissitudes du droit maritime ; il suffit de noter quelques points essentiels. Les traités d’Utrecht commencèrent à faire justice des exorbitantes prétentions des belligérans, surtout de celles de l’Angleterre, que Selden avait poussées jusqu’à réclamer pour elle, dans son fameux traité Mare clausum, la possession exclusive des mers qui baignent ses rivages. La neutralité armée de 1780 ne put obtenir de l’Angleterre la reconnaissance explicite des droits encore incomplets que revendiquaient les neutres. Cependant l’alliance de la Russie, de la Suède et du Danemark à une époque où la Grande-Bretagne se trouvait en guerre avec la France, l’Espagne et la Hollande, entraîna sa soumission de fait à la plupart des obligations que lui imposait l’accord unanime de l’Europe. L’Angleterre ne devait pas tarder à prendre une terrible revanche de son échec, et lorsqu’en 1800 les nations maritimes du Nord s’armèrent de nouveau pour proclamer et défendre les principes, de la neutralité armée de 1780, la flotte anglaise, forçant l’entrée du Sund, attaqua et détruisit en pleine paix la flotte danoise dans le port de Copenhague. Cet attentat aurait pu coûter