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qui vient louer des chaises pour voir la procession. Elle a la peau très brune, plus que la Française la plus brune, et d’un ton uni et mat que notre race ne comporte jamais. Les Mauresques sont généralement blanches et souvent même très blanches, mais il y a tant de mélanges que l’on commence à ne plus trop savoir quel type on a devant soi : celle-ci a des yeux magnifiques, à la fois très ouverts et très longs ; les yeux de gazelle ne sont pas une métaphore dans ce pays. Les cheveux sont bleus à force d’être noirs, le visage est régulier, le nez droit, la bouche petite, les dents blanches et serrées, les mains fines, bien attachées aux bras par un poignet délicat, les pieds mignons et les jambes d’une Diane chasseresse. Les ongles des pieds et des mains sont peints en orangé, et un seul, celui du petit doigt de la main gauche, en noir. C’est la pâte de feuilles de henné qui fournit la couleur orangée ou noire. Les tempes sont rasées, les cheveux, séparés sur le front, tombent de chaque côté en oreilles de chien coupées carrément. Ceux du reste de la tête sont longs et tombent sur le dos en grosses tresses avec un foulard broché d’or ou d’argent flottant par-dessus et recouvrant une calotte (chachia) posée sur le sommet de la tête. Les paupières sont peintes au koheul.

La dame est une demoiselle de dix-sept ans, dont le nom est très difficile à prononcer, et qu’à tout hasard j’appellerai Zohrah ; les Arabes n’ont pas de noms de famille. Elle est flanquée d’une charmante sœur de treize ans, Ayscha, qu’on prendrait pour une Espagnole, de sa mère, et d’une négresse en haïk bleu.

Zohrah ou plutôt lalla Zohrah, — c’est-à-dire Mlle Zohrah, — porte probablement sous son haïk une toilette éblouissante, un caftan de moire jaune broché d’or avec une ceinture à gros fermoirs d’argent, et au-dessous de la ceinture un mouchoir de soie (fouta) rouge et vert rayé d’or, noué par devant et serré sur les hanches ; une culotte large descendant un peu au-dessous du genou et laissant voir la jambe ; une chemise de gaze à paillettes et un petit corsage (frimla) en soie, en toile d’argent ou d’or, toujours très riche ; des babouches sans quartiers, en velours ou en maroquin. Ajoute à cela des bagues à tous les doigts, des bracelets aux bras et aux jambes, formant sur le cou-de-pied un gros bourrelet d’or qui résonne à chaque pas, des boucles d’oreilles, des colliers de pièces d’or, d’ambre et de fleurs d’oranger, et une couronne de diamans montés à la mauresque.

De cette riche parure on ne voit rien quand la Mauresque n’est pas chez elle : un long pantalon à plis, en gros calicot blanc empesé, descend jusqu’aux pieds, enfouis dans de gros souliers noirs assez laids ; un vaste haïk blanc enroulé autour de la personne l’en-