Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/523

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enveloppait tout ; mais en faisant le tour du parc, si l’on peut appeler parc une colline fruste, herbue, crevée de roches, et où rien n’adoucissait les caprices du sentier, on saisissait de tous côtés, à travers les tiges élancées des arbres, de magnifiques échappées de vue sur la mer, les golfes et les montagnes : au nord, une colline boisée que dépassait la cime plus éloignée du Coudon, une belle masse de calcaire blanc et nu brusquement coupée en coude, comme son nom semble l’indiquer ; à l’est, des côtes ocreuses et chaudes festonnées de vieux forts dans le style élégant de la renaissance ; puis l’entrée de la petite rade de Toulon et quelques maisons de la ville, dont heureusement un petit cap me cachait la triste et interminable ligne blanche sans épaisseur et sans physionomie ; puis la grande rade, s’enfonçant à perte de vue dans les montagnes et finissant à l’horizon par les lignes indécises de la presqu’île de Giens et les masses vaporeuses des îles d’Hyères. De ce côté, la vue, heureusement encadrée par les pins-parasols et les buissons fortement découpés, était si bien composée et d’un ton si pur et si frais que je restai un instant comme en extase ; je n’avais rien trouvé de plus beau sur les rivages de Naples et de la Sicile. La grande rade ainsi vue de haut, et partout entourée de collines d’un beau plan et d’une forme gracieuse, avait les tons changeans du prisme. La houle soulevait encore quelques lignes blanches sur les fonds bleus du côté de la pleine mer ; mais, à mesure qu’elle venait mourir dans des eaux plus tranquilles, elle passait par les nuances vertes jusqu’à ce que, s’éteignant sous nos pieds dans le petit golfe du Lazaret, elle eût pris sur les algues des bas-fonds l’irisation violette des mers de Grèce.

— Voici, dis-je à mon guide, une des plus belles marines que j’aie jamais vues. Qui donc habite cette maison si bien située ?

— Une jeune veuve avec un enfant malade a loué Tamaris pour la saison, car c’est ici le véritable endroit, jadis appelé Le Tamarisc, qui a donné son nom au quartier. La petite villa appartient à un de mes amis ; mais dans nos pays on ne loue aux étrangers que pour la mauvaise saison, puisque les étrangers ont la simplicité de croire à nos printemps, et on ne prend sa propre villégiature qu’à la fin de l’été.

J’observai que si la nature était belle en ce lieu, le climat m’y semblait effectivement bien âpre, et mal approprié aux délicats organes d’une femme et d’un enfant.

— C’est rude, mais sain, reprit M. Pasquali. L’enfant s’en trouve bien, à ce qu’il paraît. Quant à la mère, elle ne m’a pas semblé malade. C’est une jolie femme très douce et très aimable. Et tenez ! la voilà qui nous fait signe d’approcher.