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énergiquement leurs pensées. Elles se sentaient incommodes, mais indispensables, et, bien certaines qu’on les détruirait si on le pouvait, elles cherchaient de tous côtés des garanties d’existence. Avant tout s’imposait à elles la nécessité de mettre hors d’atteinte la liberté individuelle, dont les commissaires fiscaux se jouaient effrontément, et qui n’était pas même garantie (témoin Eliot et Digges) aux mandataires du pays. De là cette fameuse petition of right, sujet, de tant d’hésitations et d’anxiétés. Comme toujours, on la présente d’une main, et les subsides de l’autre. Charles et Buckingham s’aperçoivent tout à coup qu’ils n’en sont pas où ils l’avaient pensé. Ils croyaient à un don gracieux : c’est un échange que le troisième parlement leur proposer. Il demande, non pas un droit nouveau (le ciel l’en préserve !), mais la consécration des nombreux précédens qui garantissent aux sujets leur liberté personnelle. Coke et Selden ont fouillé les archives de la Tour, les rills parlementaires. Douze précédens directs, trente-un indirects, ont été découverts, qui s’opposent à l’emprisonnement par acte d’état, c’est-à-dire sans motifs allégués et sans nécessité de poursuites ultérieures. Il s’agit de reconnaître et de codifier ces précieux vestiges de l’antique jurisprudence. La chose nous parait bien simple ; aux yeux de Charles, elle était énorme. D’ailleurs il se méfiait des communes en les voyant se méfier de lui : il ne veut que le maintien des droits existans, il s’engage volontiers à n’y rien changer ; mais voilà tout, — et l’on discutera plus tard quels étaient ces droits existans. Là-dessus un des secrétaires d’état vient poser à la chambre stupéfaite, cette question singulière : « Douteriez-vous par hasard de la parole, royale, si elle vous était formellement donnée[1] ? » Pym, dont l’expérience est en garde contre toute surprise, se lève et répond simplement : « Lors du couronnement, le monarque a juré d’observer les lois du pays ; qu’avons-nous besoin de sa parole ? »

L’évêque Williams, réconcilié secrètement avec la cour, mais resté comme pair dans les rangs de l’opposition, qu’il trahit de son mieux, intervient pour faire déclarer en termes ambigus que le parlement entend laisser intact le « pouvoir souverain, » confié au prince pour la protection de son peuple. À ces mots de « pouvoir souverain, » les parlementaires dressent l’oreille. « J’ignore absolument ce qu’on entend par là, s’écrie Pym. Nous demandons la mise en vigueur des lois anglaises, et ce pouvoir dont on nous parle semble être distinct du pouvoir légal. Le mot souverain, je ne puis l’appliquer qu’à la personne du prince, nullement à son autorité. Nous ne pouvons lui accorder un « pouvoir souverain » que nous n’avons pas nous-mêmes. » Devant

  1. Séance du 1er mai 1628.