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bois, il n’en était pas moins lésé par le défrichement malgré la somme payée par le propriétaire ; si au contraire cette transformation ne devait causer aucun préjudice, il était injuste de la frapper d’un impôt particulier. Ce n’est qu’en 1859 qu’une loi spécifia d’une manière précise les cas où le défrichement pourrait être interdit.

Dans les forêts dont la gestion est confiée à l’administration forestière, le but qu’il faut surtout se proposer, c’est de conserver les massifs boisés et d’empêcher les dégâts qui peuvent s’y commettre. L’administration dispose pour cela d’un personnel de gardes assez nombreux (près de quatre mille pour les forêts domaniales seulement), spécialement chargés de ce service de surveillance. Ce sont des fonctions fort pénibles, dans certains pays fort difficiles, et qui ne sont pas appréciées partout comme elles le méritent, car, sans le dévouement et l’énergie de ces modestes préposés, tous nos bois auraient bientôt disparu, exploités en détail par les maraudeurs du voisinage. L’idée que le délit forestier n’est pas un vol est en effet très répandue ; elle remonte à l’époque où, les forêts étant une propriété commune, chacun allait s’y pourvoir de bois suivant ses besoins. Ces délits sont peu de chose en apparence ; souvent répétés, ils finissent par causer au pays une perte très considérable, sans parler des habitudes de maraudage qu’ils donnent aux populations. Sur les 184,769 délits de toute nature jugés en 1857, il y avait 46,759 délits forestiers, soit 25 pour 100 environ de la totalité. Si élevé que soit ce chiffre, il l’était bien plus encore il y a vingt ans par exemple. C’était alors un véritable métier que celui de délinquant forestier, et qui pouvait marcher de pair avec celui de contrebandier ; ceux qui s’y adonnaient s’en allaient de nuit abattre les plus beaux arbres, les débitaient et les revendaient sur les marchés voisins ; des villages entiers n’avaient pas d’autre moyen d’existence. Grâce à une surveillance plus active, ce métier ne fait plus ses frais, et n’est plus exercé qu’accidentellement par les hommes adultes, à qui, en temps ordinaire, un travail régulier rapporte davantage. La plupart des délits ne sont plus commis que par des femmes, des enfans ou des hommes sans travail. Un très grand nombre de ces délinquans sont insolvables, et les condamnations pécuniaires prononcées contre eux le plus souvent illusoires. C’est pour obvier à cet inconvénient qu’une loi récente vient d’autoriser l’administration à transiger avec eux et à leur faire payer par des journées de travail l’équivalent des amendes qu’ils ont encourues.

Pour bien remplir leurs fonctions, les gardes ont besoin d’une grande autorité morale ; c’est en leur inspirant du respect qu’ils parviennent à maîtriser des populations souvent exaspérées par la