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que les gardes domaniaux, qui habitent une maison isolée dans les bois. Jusqu’à une époque récente, ils ne subissaient sur leur traitement aucune retenue pour la retraite, et n’avaient par conséquent droit à aucune pension. Aussi, lorsqu’arrivait pour eux l’heure où le service était devenu trop pénible, ils se trouvaient souvent sans ressources, incapables de travailler, condamnés à une vieillesse misérable. Grâce à l’initiative de M. de Forcade, alors directeur-général des forêts, et aux mesures prises par M. Vicaire, son successeur, ces gardes sont aujourd’hui tenus de verser tous les ans une certaine somme à la caisse des retraites pour la vieillesse, et ils sont assurés par là de finir leurs jours à l’abri du besoin. Les gardes communaux sont nommés par les préfets sur la présentation des conservateurs, et sont, comme ceux de l’état, soumis à l’autorité de l’administration forestière. Autrefois ces nominations étaient faites par les maires, ce qui n’était pas sans inconvénient, car, ayant leur position à ménager, ces préposés n’osaient jamais sévir contre les hommes dont ils dépendaient. La répression des délits, même dans les forêts communales, est une question d’ordre public, comme celle de toute espèce de vol ; il n’y a donc pas plus de motif pour donner aux maires la nomination des gardes que pour leur abandonner celle des gendarmes.

Le personnel des gardes forestiers se recrute soit parmi les fils de gardes, soit parmi les anciens sous-officiers de l’armée. En général on préfère les premiers, qui, ayant vécu dans les bois depuis leur enfance, en connaissent les travaux, en aiment la solitude, et savent se contenter des joies d’un intérieur calme et honnête, auxquelles les anciens sous-officiers préfèrent souvent les plaisirs du cabaret. Les gardes n’ont guère d’avancement à espérer ; dans les circonstances, ordinaires, ils peuvent tout au plus atteindre le grade de brigadier, qui leur donne une certaine autorité et peut porter leur traitement annuel à 1,000 francs. Bien que les grades supérieurs de la hiérarchie administrative leur soient accessibles, il en est peu qui y parviennent. Pour devenir gardes-généraux, les brigadiers ont à subir un examen spécial, toujours fort difficile pour des hommes dont l’instruction première a généralement été négligée, Cependant il s’en trouve qui, joignant à une volonté énergique une intelligence assez ouverte, ne craignent pas de se mettre à l’œuvre, et parviennent, à force de persévérance, à conquérir les grades supérieurs. Toutefois c’est l’exception, et le plus grand nombre des agens forestiers sort de l’école de Nancy[1].

  1. C’est pour faciliter aux gardes l’accession aux emplois supérieurs, en même temps que pour former des sujets instruits dans toutes les branches du service, que l’ordonnance réglementaire du 1er août 1827 avait prescrit la création, par régions, d’écoles spéciales de gardes forestiers ; mais jusqu’à présent l’exécution de cette utile mesure a été différée.