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petites forges au bois et huit cent soixante-huit feux d’affinerie ou forges à la catalane. Je crois qu’on arriverait aisément à démontrer que sa fabrication, tant en fonte qu’en fer et acier, dépassait en quantité celle de l’Angleterre[1] et lui était très supérieure en qualité et en valeur.

Peut-être aussi avions-nous l’avance pour le coton ! La production de la matière brute avant la révolution, celle du moins qui était mise à la disposition de la fabrique européenne, représentait environ 30 millions de kilogrammes. La France seule en recevait le tiers, y Compris les 4 ou 5 millions de kilogrammes qu’elle tirait de ses colonies d’Amérique[2]. Jusqu’en 1785, l’Angleterre n’utilisait pas même 8 millions de kilogrammes, dont elle était obligée d’acheter une grande partie aux importateurs français. L’arrivée à Glasgow d’un industriel de Rouen qui vendit le secret du fameux rouge de Turquie donna à l’industrie cotonnière une impulsion qui fut remarquée : quinze cents métiers furent installés en peu de temps pour la fabrication d’une espèce de foulards qui était à la mode. One progression, qui ne s’est plus démentie, commença seulement vers » 1787, c’est-à-dire du moment où la grande industrie a daigné jeter les yeux sur les merveilleuses inventions d’Hargreaves et de Crompton. En cette même année, Watt parvint, et non sans peiné, à introduire une de ses machines à vapeur dans une filature de coton ; mais l’exemple qu’il donna ne fut suivi d’une manière à peu près générale que. vers la fin du siècle.

À l’époque prise ici pour point de départ, la consistance commerciale de l’Angleterre avait pour base le travail de la laine : les exportations en ce genre dépassaient 50 millions de francs. Nos manufactures étaient beaucoup" moins actives, mais leurs produits avaient aux yeux des étrangers le prestige de la qualité et du bon goût : cela suffisait pour élever nos exportations à 22 millions de francs. Quant à la soie, la supériorité de notre pays était éclatante à tous égards. On y comptait vingt-huit mille métiers pour la confection des étoffes d’habillement, vingt mille pour la bonneterie et la ganterie. On employait à ces divers usages 1,300,000 kilogrammes de matières premières, dont la moitié était fournie par nos campagnes. Dans la Grande-Bretagne, 399,093 kilogrammes de soie brute ou moulinée (moyenne de 1785-87) suffisaient à tous les emplois.

Il n’est pas nécessaire de multiplier les exemples : ceux que je viens de produire suffiront pour faire comprendre comment à cette époque l’industrie française pouvait aller de pair avec celle de nos voisins. Mesurons maintenant le chemin qui a été fait de part et

  1. Suivant les renseignemens produits devant les chambres françaises en 1814, la France avant 1780 fournissait 80,000 tonnes de très bon fer.
  2. Peuchet, Statistique de la France, 1805.