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qu’il est bon d’écrire, car les avertissemens arrivent un peu tard à qui ne les attend que des faits accomplis. Je viens donc examiner la portée des nouvelles mesures de législation financière adoptées pour prévenir le mal futur et les moyens proposés pour remédier au mal passé. Je le ferai, quant aux premières, avec la ferme volonté de ne m’écarter en rien du respect que commande le caractère qui leur est désormais imprimé ; mais exposer avec convenance une opinion consciencieuse sur un sujet si intéressant pour la nation tout entière, c’est un droit qui appartient à tous. Lorsque les pouvoirs se décident à faire des concessions, que ces concessions soient dictées par la nécessité ou inspirées par la prévoyance, les oppositions se trouvent placées entre deux écueils : elles ont à redouter également de se laisser prendre aux apparences en se déclarant trop aisément satisfaites, ou de faire douter de leur sincérité en se montrant trop exigeantes. Je n’hésite pas à dire que de ces deux écueils ce n’est pas le dernier qui me paraît le moins dangereux, et je m’en garderai soigneusement.

Les circonstances qui ont précédé et préparé le vote du sénatus-consulte du 31 décembre donnent à cet acte une importance supérieure encore à celle qu’il puise en lui-même. Le décret du 24 novembre 1860 était l’œuvre du souverain seul. Si une influence quelconque avait pu s’exercer, cette influence n’avait pas été déclarée hautement, et l’on a été d’autant plus fondé depuis lors à croire à une inspiration toute personnelle du chef de l’état que la pensée première du décret a paru plus restreinte qu’étendue dans ses effets par ceux qui ont été chargés de l’appliquer. En novembre 1861 au contraire, et pour la première fois sous le régime actuel, l’initiative du souverain a fait place à celle d’un conseiller.

L’avènement si solennel du ministre, la publicité donnée au mémoire qui a déterminé les résolutions impériales ont eu une signification qui ne peut échapper à personne. Les changemens dans l’administration financière, dont la nécessité, à ce que nous apprend la lettre à M. le ministre d’état, préoccupait depuis longtemps le souverain, paraissent n’avoir été arrêtés en principe qu’après un examen contradictoire dans le conseil où le promoteur de la réforme réussissait à faire prévaloir ses idées. Il n’y a rien que de légitime à trouver dans cet ensemble l’indice d’un retour vers les saines pratiques du gouvernement représentatif. La responsabilité commence, au moins moralement, pour les ministres, le jour où il est établi qu’ils peuvent, s’ils le veulent, ne pas être de simples instrumens.

Tel est le caractère le plus saillant de la situation nouvelle, et lorsque la possibilité d’un tel résultat se laisse entrevoir, il devient