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Considérée d’une manière philosophique, la question des engrais mixtes nous conduit à reconnaître d’une part l’unité de composition élémentaire dans les corps vivans des deux règnes de la nature, et d’un autre côté le rôle exact dévolu aux plantes. Ce rôle consiste à reprendre aux émanations gazéiformes ou liquides les élémens dissipés par la décomposition de tous les débris organiques, à réunir ces élémens en composés de nouveau assimilables, à replacer ainsi dans le courant de la vie toutes les exhalations que la fermentation spontanée avait momentanément fait disparaître, à trouver enfin dans les êtres morts et dans toutes les destructions apparentes les élémens d’une vie nouvelle.

À ce point de vue, les distinctions admises jusqu’aux premières années de notre siècle entre la composition générale des plantes et celle des animaux, entre les matériaux élémentaires de leur nutrition, ces distinctions étaient purement artificielles ; elles ne pouvaient satisfaire aux conditions du balancement des forces alternativement destructives et reproductives qui maintiennent à la surface du globe la vie fondée sur une mutuelle dépendance entre les êtres des deux règnes. Cuvier écrivait en 1812 : « La composition chimique des végétaux est plus simple que celle des animaux ; leurs élémens ne se réduisent guère qu’en oxygène et deux substances combustibles, hydrogène et carbone ; l’azote y est rare, et le phosphore encore plus… C’est l’azote qui fait que les animaux fournissent tous de l’ammoniaque à feu nu, tandis qu’il n’y a qu’un petit nombre de végétaux qui en donnent. » Cette citation permet de montrer clairement les progrès scientifiques réalisés depuis l’époque où Cuvier s’exprimait ainsi : c’est aujourd’hui, de tous points, le contraire qu’il faut dire. Non-seulement en effet l’azote, le phosphore et le soufre ne forment pas une exception dans les plantes, mais encore ces substances s’y rencontrent précisément en plus fortes proportions dans les organismes doués des plus énergiques propriétés vitales. D’ailleurs le nombre de principes immédiats déjà découverts dans les végétaux est incomparablement plus considérable que celui des substances distinctes extraites jusqu’ici des tissus animaux. Enfin toutes les parties de toutes les plantes fournissent de l’ammoniaque à la distillation. Nous trouverons plus d’une fois l’occasion d’appliquer ces données de la science moderne dans l’étude théorique et pratique des engrais mixtes.


I. — Composition des engrais mixtes, influence des matières azotées. — Les herbivores et les engrais verts

Les engrais mixtes sont formés de substances minérales assimilables par les plantes et de matières organiques. Ces matières se