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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/985

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expériences avaient clairement démontré les avantages du phosphate de chaux employé à l’état pulvérulent, lorsque M. Corenwinder, entreprit, aux environs de Lille, d’en vérifier les effets sur les terres, si fertiles du département du Nord. Ces terres sont très bien entretenues par l’alternance des cultures comme par l’emploi à profusion de l’engrais liquide flamand, riche à la fois en substances salines et organiques azotées, très divisées ou dissoutes et facilement assimilables : or il arriva que l’engrais minéral, partout ailleurs si utile, n’ajouta rien dans ces conditions à la production habituelle. Cette anomalie singulière, qui se présentait pour la première fois, était à la vérité plus apparente que réelle, et M. Corenvvinder s’en aperçut bientôt lui-même en constatant que les doses des substances salines, notamment des phosphates, depuis longtemps accumulées dans le sol, s’y trouvaient surabondantes. Dès lors on conçoit qu’un plus grand excès n’y pouvait rien ajouter d’utile, et l’explication de l’inertie du nouvel engrais était toute simple.

Un fait non moins curieux, non moins scientifiquement établi, s’était déjà révélé dans un autre canton du même département, aux environs de Valenciennes, de Denain et de Condé. Aux approches de la récolte, on s’aperçut que les betteraves, sur la plus grande partie des terres, offraient une chétive apparence et annonçaient une maigre production. Les prévisions ne furent que trop justifiées, car cette année-là, pour une même quantité de surfaces emblavées, la production du sucre se trouva diminuée de 20 millions de kilogrammes. La cause directe de cette déperdition énorme résidait dans une altération spéciale des racines saccharifères. Nous avons ultérieurement reconnu l’origine de cette altération dans la présence des eaux stagnantes à une faible profondeur sous le sol ; mais, avant que cette explication fût admise, une autre hypothèse, plus spécieuse, plus séduisante peut-être, avait prévalu. Elle mérite d’être exposée, car elle se rapporte à un fait de même ordre que l’expérience tentée par M. Corenwinder.

Ici cependant la situation semblait toute contraire, et l’on pouvait ne pas croire à la surabondance de l’engrais minéral, car, on le faisait remarquer avec raison, depuis plus de vingt ans que l’extraction des salins de potasse s’effectuait sur les résidus liquides (mélasses) des sucreries indigènes, cette industrie avait enlevé au sol, pour les livrer aux industries chimiques (fabriques d’alun, salpêtreries, cristalleries, etc.), d’énormes quantités de ces composés alcalins, s’élevant après de 100 millions de kilogrammes. Or ces matières salines comptent toutes au nombre des alimens de la végétation ; elles sont particulièrement favorables au développement des végétaux de la famille des chénopodées, et les radicelles de la plante saccharifère vont avec une énergie spéciale les puiser dans le sol.