Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nuel à la fin de 1860 et au printemps de 1862, se résume en quelque sorte toute une période de l’histoire napolitaine. D’un côté l’époque des défiances, des essais, des premiers efforts ; de l’autre, l’ère nouvelle et vraiment féconde qui semble nous promettre la transformation morale d’une société de plus en plus digne de la liberté, voilà les deux aspects de la situation de Naples telle qu’on a pu l’observer depuis dix-huit mois, telle que l’ont montrée avec une netteté singulière les deux circonstances solennelles que nous venons de rappeler. Éclairé par ce rapprochement, essayons de suivre dans ses diverses formes ce travail de réparation qui s’est accompli de 1860 à 1862, depuis les campagnes contre le brigandage jusqu’aux pacifiques réformes dont un récent séjour à Naples nous a permis d’apprécier l’influence.


I.

Après la chute de François II, il y eut, dans les provinces napolitaines, une explosion de telles et si vives espérances qu’il est naturel qu’elles n’aient point été toutes réalisées ; il y eut donc là une déception, une sorte de souffrance générale qui pesa sur chacun en particulier. On quittait l’âge de fer pour entrer dans l’âge d’or, on était parti avec des ailes pour s’élancer d’un seul bond au sommet des réalisations entrevues ; il n’en fut point ainsi, l’espoir avait été, en raison directe des souffrances qu’on avait supportées, immense : il en fallut bien rabattre, et au lieu de courir, comme on le croyait, on vit qu’il fallait marcher à pas comptés et avec une extrême prudence. Le peuple napolitain, qui est un peuple d’une rare intelligence, et qui ferait de si grandes choses si sa paresse native et climatérique ne le paralysait, comprit vite et bien la situation du gouvernement de Turin, et au lieu de le gêner dans ses efforts souvent maladroits, il ne tarda pas à l’aider avec beaucoup de soumission et une abnégation remarquable.

« Il est incontestable que le gouvernement des Bourbons a laissé derrière lui les écuries d’Augias. » Ces mots, qu’adressait récemment sir James Hudson au comte Russell[1], sont d’une vérité absolue, et les Napolitains de bonne foi en sont intimement pénétrés ; aussi, malgré quelques mécontentemens inséparables d’une révolution pareille, laissent-ils loyalement aux ministres le temps de balayer les débris du passé et de préparer la construction de l’édifice nouveau, tout en consolidant l’œuvre nationale vers laquelle tendent aujourd’hui les vœux de l’Italie entière. Ils se sont résignés à souffrir l’amoindrissement de leur capitale, la troisième ville d’Europe, dit-

  1. Dépêche du 8 mai 1862.