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tout genre. À l’époque des Louis XI, des Sforza, des Warwick, il est convenu que, vis-à-vis d’un ennemi, l’engagement le plus sacré n’oblige point la conscience. Mathias Corvin, qui avait tant de fois trompé le roi George, était mieux pourvu de ces dispenses d’honneur qu’aucun des princes de son temps. Dès que le légat de Paul II apprend les événemens de Wilimow, il délie le Magyar de tout engagement envers le Bohémien, et si le Magyar hésite à violer sa parole, il le menace, lui aussi, de la grande excommunication. Ce légat, nommé Novarella, chargé des affaires de Rome dans l’empire et sur le théâtre de la guerre, était le digne agent des fureurs du pape. « Si Mathias Corvin, disait-il, a conclu sincèrement ce traité avec George de Podiebrad, il tombe sous le coup de la sentence qui a frappé l’hérétique et tous les alliés de l’hérétique. » En même temps, joignant la séduction à la menace et pour rompre plus sûrement l’amitié de Mathias et de George, la ligue catholique des barons, réunie dans Olmütz, proposait au roi de Hongrie la couronne de Bohême. Il n’était pas besoin de tant de manœuvres pour triompher des scrupules de Mathias, car le Hongrois, en donnant sa parole pour échapper au glaive du vainqueur, était bien décidé à reprendre sa liberté d’action aussitôt que le péril serait passé ; il voulait seulement, par son hésitation, se faire payer d’un plus haut prix le secours qu’il apportait au saint-siège. C’était surtout de l’argent qu’il réclamait au pape. « Comment faire la guerre avec ses seules ressources à cette nation opiniâtre ? Était-il donc si aisé de vaincre l’hérésie hussite ? Sigismond n’y avait-il pas épuisé en pure perte les forces de l’Autriche et de l’empire ? » Il demandait encore si un simple roi de Hongrie pouvait exécuter ce que n’avait pu l’empereur d’Allemagne. Combien la situation changerait, si le défenseur du pape était nommé roi des Romains et coadjuteur de l’empire ! De toutes ces prétentions altières, une seule réussit : Mathias Corvin, élu roi de Bohême par les barons de la ligue catholique, accepta ce vote insolent quelques semaines après cette entrevue d’Auhrow, où le Bohémien, tenant sous la pointe du fer le Hongrois terrassé, l’avait relevé d’une main si généreuse (17 avril 1469).

N’oubliez pas que ces intrigues s’agitaient au moment même où les deux rois, George et Mathias, devaient se rencontrer à Olmütz et y signer définitivement la paix. Ils se virent en effet le 7 avril, non pas à Olmütz, où s’étaient rassemblés tous les ennemis des Tchèques, mais sous une tente dressée dans la campagne. Entrevue inutile, on le pense bien ; quand même le roi de Hongrie eût voulu rester fidèle à la parole jurée, les chefs de la ligue et le légat romain auraient bien su empêcher la conclusion de l’alliance. Les conseillers du roi George s’étant rendus à Olmütz pour conférer avec les représentans de Mathias Corvin, Novarella mit l’interdit sur la ville