Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

derniers temps qui précédèrent son désastre, le marquis travaillait à cette collection. Ce fut probablement alors que le marché se conclut. Parmi ces marbres, œuvres de Ghiberti, de Donatello et d’autres maîtres de cet ordre, se trouve une vraie perle, l’Amour adolescent de Michel-Ange. On nous a, par consolation, permis de le mouler. Le plâtre est déposé dans la salle des moulages, exécutés sous les auspices de M. Ravaisson : figure charmante, originale et fièrement conçue, une des œuvres où ce puissant génie s’est élevé dans l’expression du nu à sa suprême perfection, les accens de son style s’y faisant clairement sentir, tandis que ses défauts n’ont pas encore toute leur plénitude et ne se montrent qu’avec timidité.

Ce rare chef-d’œuvre et les marbres d’élite dont il est entouré ne seraient pas un renfort inutile pour relever, pour ennoblir la part de l’art moderne dans le musée Campana. Évidemment, ce très habile collectionneur estimait peu la renaissance, et pas du tout le moyen âge, ou s’il en avait l’amour, le hasard l’avait bien mal servi. Cette partie moderne de sa collection est tellement inférieure à la partie antique, qu’on est d’abord tenté de croire qu’elles ont été formées par deux hommes de caractère et de goût différent, l’un cherchant le précieux, le rare, — l’autre, moins exigeant, se contentant de peu. Il semble qu’il n’ait pris la peine de recueillir tous ces débris des arts modernes que pour faire un pendant à sa vraie collection, par pur esprit de symétrie, pour avoir l’air d’un homme universel et impartial dans ses goûts. Là n’était pas sa vocation. Il n’est vraiment lui-même, il n’a tout son instinct, tout son coup d’œil, et même aussi tout son bonheur, qu’en explorant l’antiquité. Nous convenons que les heureuses chances, les occasions de découverte sont tout autrement rares, dès qu’on entre dans les temps chrétiens. Il n’y a plus ces tombeaux, ces nécropoles, ces chambres sépulcrales parées de bijoux, de vases ou d’armures, petits musées enfouis en bon ordre, que la terre nous conserve comme un gardien intègre et sûr, et qu’elle nous livre peu à peu, pour nous aider dans nos énigmes et ruiner tour à tour ou confirmer nos conjectures. Avec le genre de sépulture pratiqué dans l’antiquité, il y a toujours du nouveau possible en archéologie, tandis que le culte des morts tel que l’entend le christianisme nous interdit l’espoir de telles conquêtes, ou ne l’autorise que dans des cas si rares qu’il n’y a pas même à en parler. Toutes les créations de l’art moderne nous sont à peu près connues : elles changent de main, et voilà tout. Rien d’enfoui, rien d’oublié. Une fois par siècle, tout au plus, on assiste à quelque surprise, on retrouve un trésor perdu, une Vierge du palais Tempi, une fresque de S. Onofrio. Pauvre ressource pour les collectionneurs ! Jamais de grands coups de des comme Pompéi ou Corneto, Stabies