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des mots sonores, mais aujourd’hui irréparablement usés. On essaie de dire que l’arrangement des rapports de l’Italie avec le saint-siège doit être l’affaire d’un congrès, et l’on assigne l’évacuation de Rome au moment où le pape et le roi d’Italie se seront réconciliés. Autant dire que les relations de la papauté avec l’Italie ne seront jamais arrangées et que nous occuperons Rome à perpétuité. L’évocation d’un congrès est plaisante de la part du journal inspiré par l’auteur de la brochure le Pape et le Congrès. Qui a pu oublier en effet qu’au seul moment où un congrès était possible, ce fut justement la publication de cette brochure qui le fit avorter ? Qui peut ignorer que le pape n’irait dans un congrès que pour y soutenir la revendication entière du domaine temporel, dont la plus grande portion lui a été enlevée, qu’il ne reconnaîtrait pas à une réunion dont la majorité serait formée par des puissances hérétiques ou schismatiques le droit de lui mesurer ses états et de résoudre une question qui, à ses yeux, ne peut relever que de l’appréciation des catholiques eux-mêmes sur les intérêts de leur foi ? Il faut reléguer ces appels au congrès à côté de la formule illusoire dont usaient autrefois les hérétiques en appelant des décisions des papes au futur concile. La pensée d’une réconciliation du saint-siège avec le nouveau gouvernement d’Italie n’est pas moins vaine, et ne peut être sérieusement admise dans la controverse politique. M. de Cavour pensait avec raison, et avec un plus réel respect de la cour de Rome que n’en témoignent ses récens défenseurs, qu’il y avait de la mauvaise foi ou de la niaiserie à demander à la papauté des transactions auxquelles elle ne saurait se plier et des réformes qu’elle ne peut accorder. L’église ne peut que subir passivement les transformations aujourd’hui nécessaires ; elle ne peut les accepter par un consentement préalable : il y a des abdications qu’elle ne croit pas en conscience pouvoir faire. Sur ce point, ses résolutions sont immuables, et si persuadé que l’on soit que les sociétés laïques ne doivent pas s’y asservir, il y aurait peu de générosité et de justice à méconnaître la dignité et la grandeur de cette inflexibilité. M. de La Guéronnière et ses amis doivent savoir à quoi s’en tenir sur l’inanité de ces conseils et de ces espérances de réforme et de transaction. Si nous sommes bien informés, il y a quelques jours à peine, le cardinal Antonelli opposait encore une fin de non-recevoir absolue à une dernière démarche conciliante de notre diplomatie. Tout ce que la cour pontificale nous demande, c’est de la prévenir de notre départ quelques heures d’avance le jour où il nous plaira de quitter Rome. Cessons donc de promettre que nous sortirons de Rome quand Victor-Emmanuel et Pie IX se seront réconciliés. Ce serait dire, en renonçant gratuitement au mérite de la franchise, que nous y resterons toujours.

Si nous pensons ne point nous tromper sur l’intérêt et le devoir de la France en présence de la situation de l’Italie, nous ne nous flattons point d’y voir aussi clair dans les conséquences que pourra avoir au sein de la péninsule le prompt avortement de cette échauffourée. Nous aimons à croire