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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/523

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tré dans le conseil de Louis XIII, modestement et comme contre son propre gré. Il était de ceux en qui l’ambition fait taire au besoin la grandeur de l’esprit et du caractère, et qui ne dédaignent ni les plus grossiers artifices, ni les plus petits moyens. Il avait voulu, en se montrant peu empressé vers le pouvoir, rassurer le roi, qui redoutait ses prétentions, ne point faire ombrage à ses collègues dans le conseil, et inspirer à la reine-mère, alors sa patronne, une entière confiance en ayant l’air de ne céder qu’à ses instances et de lui devoir toute sa fortune; mais, dès qu’il eut remis la main sur le gouvernail, il s’en saisit avec son empire naturel, et ne s’occupa plus que d’assurer et d’accroître sa propre grandeur en la mettant au service de la grandeur de la royauté et de la France. Le mariage de la fille de Henri IV avec le prince de Galles était à ses yeux l’un des actes essentiels de la politique nécessaire au succès de toutes ces grandeurs; il entra dans la négociation en s’appliquant à obtenir les meilleures conditions possibles pour les intérêts divers qui s’y trouvaient engagés, mais sans hésitation, sans complaisance pour tel ou tel de ces intérêts, habile à ménager les paroles et les apparences, mais décidé à atteindre son but.

Le comte de Carlisle arriva à Paris vers la fin d’avril 1614, et dès qu’il eut, avec lord Kensington, officiellement déclaré le but de leur mission commune, le roi nomma, pour traiter avec eux, quatre commissaires, le cardinal de Richelieu, le garde des sceaux d’Aligre, le surintendant des finances La Vieuville et le secrétaire d’état La Ville aux Clercs. Quand on apprit à Londres que le premier commissaire était un cardinal, on s’inquiéta d’abord, on douta du succès. Si les ministres de Jacques Ier avaient assisté à la première délibération du conseil de Louis XIII sur la convenance du mariage, ils se seraient promptement rassurés. Le cardinal de Richelieu traita la question longuement, mais résolument, ferme dans sa pensée malgré la diffusion de ses paroles, étalant avec soin ses précautions pour la foi de la princesse et l’intérêt général de l’église catholique, mais concluant qu’on obtiendrait ce dont la religion avait besoin et qu’il fallait faire ce que commandait la politique. « Que nous puissions à juste titre, dit-il, demander la liberté de conscience, c’est chose claire ; puisque en France nous la donnons à une secte nouvelle, on la peut bien donner, en Angleterre, à un corps ancien comme le nôtre, duquel ils sont contraints de confesser être sortis. Au moins est-il bien raisonnable qu’au lieu que la France donne liberté aux calvinistes, l’Angleterre donne assurance de ne point persécuter les prêtres et les catholiques... Si on assurait tellement la religion de Madame qu’elle ne pût courir aucun hasard en sa personne, si elle avait auprès d’elle des dames saintes et de grande vertu, s’il lui était permis d’avoir un évêque en qualité de grand--