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autres frères scandinaves à la vue des scènes grandioses ou originales d’une contrée qu’ils tiennent à nous faire connaître. MM. Bergh et Marcus Larsson ont tourné leur attention vers le paysage, — des rivières ou des torrens dont l’eau tombe blanchâtre, bouillonnante, fouettée entre des rochers jetés çà et là avec un sublime désordre, des bouleaux ou de noirs sapins toujours verts, un ciel nuageux avec des montagnes bleuâtres à l’horizon, une tempête sur mer. Qui ne désire aussi connaître quelque chose de la vie sociale du Nord ? Mlle Amalia Lindegrün, qui de l’académie de Stockholm a passé, il y a quelques années, dans l’atelier de M. Léon Cogniet, à Paris, nous raconte les joies et les douleurs des paysans suédois. On s’arrête volontiers devant Une Soirée dans une Chaumière dalécarlienne : un père de famille à honnête et joyeuse figure joue du violon, entouré par un groupe de trois pauvres enfans qui dansent au son de la musique, tandis que la mère, assise au coin du feu, tient sur ses genoux un dernier-né qui lui passe autour du cou ses petites mains potelées. M. Hockert met également au service de la peinture des mœurs nationales les études qu’il a faites à Paris. Quoi de plus nouveau pour nous qu’Une Jeune Fille de la paroisse de Rüttvick au coin du feu ? Le costume est pittoresque dans son étrangeté ; chose assez curieuse, il ressemble à ceux de l’Orient et du midi de l’Europe, tant il est vrai que les extrêmes se touchent. Quoique enveloppée dans un corsage de peau de mouton dont la laine est à l’intérieur, quoique chaussée d’épais souliers à hauts talons et à têtes de clous cyclopéens, cette jeune fille ne se montre point insensible aux séductions de la coquetterie, si j’en juge par son sac de travail richement brodé, les deux grosses boules qui pendent bizarrement de son bonnet en forme de mitre, et son jupon rayé de couleurs éclatantes. La cheminée ne ressemble à rien de ce que nous connaissons ; c’est une cavité creusée dans l’angle saillant d’un mur avec un croc de fer pour soutenir la marmite. Ces scènes de la vie dalécarlienne nous entraînent déjà bien loin de nos usages et de notre civilisation. M. Hockert nous conduit encore plus avant vers le nord en nous faisant pénétrer dans la hutte d’un pêcheur lapon ; ici tout est surprenant : les nouveau-nés suspendus, dans leur berceau d’écorce de bouleau, à deux perches couchées en l’air, qui traversent la longueur de la hutte, les enfans avec leurs bonnets de peau coniques, les femmes avec leurs casques de différentes couleurs, et l’homme qui raccommode ses filets au milieu de l’atmosphère enfumée que dégage un pot noir bouillant sur le feu. M. Nordenberg, élève de M. Tidemand, a saisi un autre côté des mœurs, les rapports des paysans suédois avec l’église nationale. Sa Collection des Dimes pourrait bien être une satire des privilèges du clergé reformé, tant le