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nemi couvrait ainsi l’embranchement et qu’il ne pouvait s’y maintenir devant lui, essaya de le déloger par un coup de vigueur. Il fit avancer toute son artillerie à cheval, qui se mit brillamment en batterie en face des abatis, et répondit au feu des redoutes, après quoi il fit charger sa cavalerie. Le 6e régiment de cavalerie fédérale s’élança vaillamment sur celle des confédérés, passa, pour la joindre, sous le feu croisé des redoutes, et eut avec elle un de ces combats à l’arme blanche, si rares aujourd’hui. Tout cela cependant était de la valeur dépensée en pure perte. L’ennemi ne se troublait pas ; il avait l’avantage du nombre et de la position. Enlever ces ouvrages avec de la cavalerie seule était impossible On commençait à perdre du monde, des chevaux surtout. « Il me manque trente et un hommes, » disait le major Williams, qui venait de mener la charge du 6e, en saluant gracieusement Stoneman du sabre avec cet air de gens résolus qui veut dire : « Nous sommes prêts à recommencer ; mais cela ne sert à rien. » Stoneman ordonna alors la retraite. On repassa à travers les abatis et on alla attendre dans une clairière, à un demi-mille en arrière, l’arrivée de l’infanterie pour recommencer l’attaque avec elle. Le malheur voulut qu’en traversant le marécage une des pièces de l’artillerie à cheval s’enfonçât dans la boue de manière à n’en pouvoir être retirée. En vain doubla-t-on les attelages ; l’ennemi concentrait son feu sur cet unique point et tuait tous les chevaux. Il fallut abandonner la pièce, la première qu’eût encore perdue l’armée du Potomac. On ne pouvait s’en consoler. Le soir, de nouveaux efforts furent faits pour la reprendre ; mais les abatis étaient remplis de tirailleurs ennemis qui en rendaient l’approche impossible. Le jour baissait. La colonne confédérée venant de Lees-Mill échappa et réussit à s’abriter derrière les retranchemens de Williamsburg. Quant à l’infanterie fédérale, elle n’arriva que très tard. Il y avait eu de grands encombremens sur les routes étroites par lesquelles elle cheminait. À la tombée de la nuit, le général Sumner, qui avait pris le commandement, voulut faire une attaque de vive force sur les ouvrages de la défense ; malheureusement l’obscurité était devenue complète avant que ses troupes ne débouchassent des bois et des marais : force fut de tout remettre au lendemain. Alors survint un de ces contre-temps fâcheux, trop communs à la guerre, et qui ne furent pas épargnés à l’armée dans le cours de sa pénible campagne. La pluie commença de tombera torrens, et dura sans discontinuer pendant trente heures. Le pays se changea en un vaste lac, les routes en fondrières épaisses et profondes. Les troupes passèrent la nuit au bivac, et au plus triste des bivacs, là où elles se trouvaient.

Au jour, le combat recommença, mais dans des conditions nécessairement défavorables aux fédéraux. Les deux routes qui se diri-