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chances excessivement périlleuses. Dominés par les forts qui couvraient la ville, commandés par les maisons voisines, où les tirailleurs anglais auraient trouvé un sûr appui, protégés en outre par des défenses particulières créées en vue d’une éventualité pareille, ces deux points devaient présenter une résistance presque invincible. Il s’agissait donc, pour s’en rendre maître, de les tourner, de les prendre à revers, résultat difficile qu’on ne pouvait obtenir qu’en descendant vers Capri des hauteurs d’Anacapri. Or la côte d’Anacapri n’offre aucun lieu de débarquement praticable. Ce fut là précisément le motif qui la fit choisir par le général Lamarque.

Le 4 octobre 1808, au point du jour, les vigies anglaises signalèrent une flotte qui de Naples se dirigeait vers l’île de Capri; elle se composait d’une frégate de 44, d’une corvette de 22, de trente canonnières, et d’une quarantaine de bateaux de transport. La flotte fit mine de vouloir atterrir, et se tint à la hauteur de la Marine. Un peu plus tard, une flottille, sortie du port de Salerne, forte de sept canonnières et de trente-deux petits navires marchands, fit voile vers le cap Tragara, comme si elle voulait jeter ses troupes à la Petite-Marine. D’après ces mouvemens, par lesquels les Anglais se laissèrent abuser, il paraissait donc probable que c’était vers la ville même de Capri que porterait le premier effort de l’attaque. En conséquence, le major Hamill, qui commandait à Anacapri, détacha quatre compagnies pour prêter main-forte à Hudson Lowe. L’erreur cependant ne fut pas de longue durée : on vit bientôt le gros de la flotte, ayant laissé quelques navires à la hauteur de Palazzo di Mare, se diriger vers l’ouest de l’ile. Hudson Lowe renvoya les troupes du Royal-Maltais qu’Hamill lui avait expédiées, et y joignit trois compagnies du Royal-Tirailleur-Corse, sous les ordres du capitaine Church, qui connaissait parfaitement le pays; mais, pour se rendre sur les hauteurs d’Anacapri, il faut gravir le long escalier où les hommes ne peuvent marcher que un à un. Cette opération exigea quelque temps, et lorsqu’on arriva, le moment opportun était passé, les troupes du général Lamarque avaient pris terre. Tournant brusquement à l’ouest, la flotte s’était approchée du rivage, vers une toute petite anse située entre la pointe del Niglio et la pointe Capocchia; les canonnières firent promptement taire le feu de deux batteries armées chacune de trois canons, et placées, l’une à la pointe del Niglio, l’autre à la pointe di Campetiello. Ce fut moins un débarquement qu’une escalade : le rocher a plus de quinze pieds à pic en cet endroit; les matelots passèrent les premiers, jetèrent des cordes aux soldats; on établit des échelles comme l’on put, on grimpa de saillie en saillie, et lorsque les renforts anglais apparurent, Lamarque, à la tête de trois cent cinquante hommes, menaçait la tour de Damacuta. Au lieu de se précipiter à la baïon-