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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/909

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Capri, d’en déloger Hudson Lowe ou de l’y serrer de si près, qu’il fût forcé de capituler. Le premier soin de Lamarque fut d’amener du canon sur les hauteurs de Monte-Solaro, qui non-seulement dominent Capri, mais encore les deux petites collines armées du Castello et du fort San-Michele, entre lesquelles la ville est assise. L’opération n’était point facile dans ce pays rocailleux, où nulle route n’est ouverte. On porta les pièces sur les épaules, je ne sais comment, mais on les porta, et bientôt Lamarque put battre de haut les positions occupées par les Anglais. Le vent d’ouest, qui lui amenait des renforts de Naples, empêchait d’arriver ceux qu’Hudson Lowe avait demandés en Sicile. Pendant plusieurs jours, on se canonna sans se faire grand mal; les habitans restaient neutres. Lorsque Lamarque manquait de munitions, il hissait un signal, et de Naples on lui en expédiait. C’est ainsi qu’une flottille de quatre-vingt-quinze navires, dont trente canonnières, put débarquer sa cargaison de cartouches et de gargousses malgré un vif engagement avec l’Embuscade et le Mercure de la marine britannique. Lamarque s’était emparé de la Marine à l’aide des grenadiers du second régiment napolitain; le troisième de ligne italien avait pris la Petite-Marine, et le régiment Royal-Corse de Naples, suivant l’exemple hardi qui lui avait été donné par les Anglais, était descendu, de rocher en rocher, des hauteurs d’Anacapri, et avait poussé ses approches jusqu’aux maisons voisines de la ville de Capri, où Hudson Lowe, voyant ses munitions s’épuiser, n’ayant même point les outils nécessaires pour réparer les dégâts causés par l’artillerie des assaillans, sans nouvelles des bâtimens de guerre anglais que le mauvais temps avait chassés, tenait cependant avec l’admirable fermeté des soldats de sa nation. Il tint ainsi pendant dix jours, jusqu’au 14 octobre. En ce moment, la brèche ouverte et presque praticable faisait redouter un assaut; les troupes du roi de Naples se logeaient au pied des murs mêmes de la ville, la situation n’était plus tolérable. Lamarque envoya un parlementaire et proposa une capitulation dont les termes excessifs furent hautement rejetés par sir Hudson Lowe. Enfin, après des pourparlers communiqués à Murat, qui, dans son impatience, était accouru à Massa pour suivre de l’œil les opérations de son lieutenant, la place capitula le 16, avec les honneurs de la guerre. Les commandans en chef se félicitèrent à l’envi sur le courage respectif qu’ils avaient déployé, et la ville fut remise aux mains des troupes de Murat, qui resta tranquille possesseur de Capri jusqu’en 1815. Par un fait assez singulier, il y avait un régiment de tirailleurs corses du côté des assaillans et du côté des assaillis; ils s’engageaient mutuellement à déserter, mais en vain. L’amour-propre national les avait piqués sans doute, et ils se battirent fraternellement. Cette animosité cessa dès que la capitu-