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de la grande république, doit être attribué, selon lui, aux causes suivantes : 1o l’impossibilité de pénétrer dans l’intérieur de l’Inde, faute de moyens de communication tels qu’il en existe aux États-Unis ; 2o l’absence de sécurité pour le capital, faute d’une loi équitable et de moyens pour obtenir gain de cause en cas de réclamations devant les tribunaux. En voilà sans nul doute plus qu’il n’en faut pour entraver la culture du coton indien et l’exportation de ce produit en Europe.

Cependant la constitution de la propriété dans l’Inde, ou plutôt la difficulté pour les Anglais d’acquérir des terres sans courir le risque de voir leurs droits de propriété contestés, est un autre obstacle à l’établissement des Européens comme cultivateurs de coton. L’ancienne compagnie des Indes s’était rendue maîtresse du pays, soit par droit de conquête, soit par des concessions volontaires des princes qui l’occupaient. La compagnie louait ou plutôt aliénait la terre à des collecteurs moyennant une redevance. Ces collecteurs sous-louaient la terre aux paysans ou ryots, qui la cultivaient en payant une taxe. La couronne a remplacé la compagnie des Indes, mais elle se trouve liée par les engagemens antérieurs de la compagnie. Cet état de choses est des plus fâcheux ; il met les ryots dans la dépendance des collecteurs, qui les pressurent. L’ancien système était une source de profits considérables pour la compagnie, et lorsqu’elle eut cessé d’être une société commerciale, ses revenus provenaient uniquement de cette source ; mais ce système ne peut pas convenir à un grand gouvernement désireux de développer la prospérité intérieure de ses possessions dans l’Inde, et dont les efforts tendent à détruire l’espèce de servage dans lequel se trouvent les ryots.

Un plan avait été adopté, il y a trois ans bientôt, afin de permettre l’aliénation des terres dans l’Inde et d’y favoriser ainsi l’établissement définitif des Européens comme cultivateurs. Lord Stanley, alors ministre, M. Laing, délégué pour la réorganisation des finances des Indes, étaient d’avis qu’il était désirable d’aliéner les districts inoccupés de cette grande colonie dans des conditions qui permissent aux Anglais de les acheter et de les cultiver, mais sir Charles Wood, qui a pris le portefeuille des affaires de l’Inde, a remplacé ce système par un autre que beaucoup d’esprits éclairés regardent comme impraticable. Il s’agit d’une espèce de concession que le gouvernement pourrait reprendre, et qui ne mettrait même pas à l’abri des réclamations des indigènes. Cependant, encore une fois, ce qui éloigne le plus les spéculateurs et les capitaux de l’Inde, c’est l’absence complète de sécurité pour l’exécution des contrats. Les lois qui partout garantissent le prêteur sont sans action dans l’Inde ; il en résulte que la prudence la plus ordinaire l’empêche de faire des avances