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soit maintenu aussi actif que possible durant dix heures par jour ; mais ces conditions ne se retrouvent pas, il faut bien le dire, dans la réalité[1]. Le mineur de Californie travaille rarement dix heures par jour, il se repose même assez volontiers ; d’ailleurs il y a des temps de chômage forcé pour l’entretien des canaux, il y a des œuvres mortes dans les chantiers, des accidens dans l’exploitation. Tout compte fait, le chiffre des bénéfices se réduit au bout de l’an, de 35 francs, limite qu’il pourrait atteindre, à 12 ou 13 fr., produit moyen avoué par un grand nombre d’exploitans, Cette réduction des bénéfices, imposée par mille causes diverses, équivaut à une diminution proportionnelle dans la puissance productive de ces mines, ou à une surélévation correspondante du prix de revient de l’or. Ces gisemens peuvent donc être regardés comme produisant par le travail ordinaire du sluice 3 grammes 1/2 d’or par tête de mineur et par jour. Resterait à déterminer l’étendue totale et la puissance des placers sur lesquels ces produits peuvent être obtenus. Sans pouvoir faire cette détermination d’une façon suffisamment précise, je dirai seulement que les plaines de gravier que j’ai visitées sont d’une étendue telle que l’on ne conçoit guère qu’elles puissent être jamais totalement déblayées au pic et à la pelle. D’ailleurs, quelque activité qu’on ait déployée, quelques richesses qu’on ait pu extraire de ces gîtes, les excavations déjà pratiquées n’apparaissent que comme des brèches insignifiantes, relativement à la masse totale de l’alluvion.

Le bénéfice net de 12 à 13 francs par jour que le mineur peut réaliser sur ces exploitations paraîtra bien suffisant, et il semble que ces mines devraient jouir d’une grande faveur en Californie ; cependant il n’en est rien. Le mineur sait en effet que s’il est à peu près certain de gagner de 12 à 13 francs par jour, il faut aussi qu’il renonce à l’espoir de faire quelque grand coup capable de l’enrichir en peu de temps. S’il s’attache à ces mines, il ne doit plus s’abandonner à ces rêves d’opulence qui partout le suivent, font son orgueil et aussi sa force et sa hardiesse. Il recevra pour prix de son labeur un salaire suffisant sans doute, mais fixe et bien connu à l’avance. C’est ce sacrifice de ses espérances qu’il lui répugne de faire ; l’absolue nécessité peut seule l’y forcer. Ces gisemens du bas des vallées présentent d’autres désavantages. Les excavations faites par les premiers mineurs se sont peu à peu remplies d’eau et sont devenues pendant les chaleurs le foyer d’émanations pernicieuses, au milieu desquelles le mineur perdait rapidement ses forces et gagnait la fièvre. L’exploitation a donc abandonné ces champs malsains pour

  1. Dans nos calculs, nous ayons supposé sis hommes sur huit toujours au chantier. On ne peut pas en compter davantage à raison du temps qu’exige le transport des provisions, la préparation des alimens, etc.