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étages, couronné d’un plafond de verre, mais dont les étages ne sont d’ailleurs marqués que par une balustrade ; le milieu est entièrement vide, et la lumière descend du toit jusqu’au plancher sans rencontrer aucun obstacle. Les murs se montrent couverts sur toute cette hauteur de plus de cent mille gros volumes. Ces livres contiennent toutes les transactions et tous les documens relatifs aux fonds publics depuis le 23 août 1694, époque de la fondation de la Banque. Grâce à ces registres, rangés dans un ordre systématique, on peut remonter à l’origine de tous les emprunts du gouvernement, tracer en quelque sorte la généalogie des rentiers anglais depuis les origines de l’établissement jusqu’à nos jours, et rétablir les titres de tous ceux qui ont jamais possédé des fonds publics. Au moment où j’entrai, je me trouvai vis-à-vis d’un gentleman debout et tranquillement occupé à peindre un tableau ; cet artiste était le bibliothécaire, librarian. Plusieurs autres toiles, représentant surtout des paysages, étaient jetées çà et là dans un coin de la bibliothèque dont il s’était fait un atelier. Avec une obligeance parfaite, il voulut bien m’initier aux curiosités de son département. Ces vieux livres contiennent une vaste et intéressante collection d’autographes, car les hommes les plus remarquables de chaque temps ont volontiers possédé de la rente. Le grand compositeur George-Frédéric Handel par exemple avait deux inscriptions sur le grand-livre, dont l’une s’élevait à 15,000 liv. sterl. Au milieu des livres de la Banque, modestement recouverts de parchemin, se détachent en splendeur les livres de l’ancienne compagnie des Indes, qui reflètent en quelque sorte sur une reliure de maroquin doré l’orgueil et la richesse de cette somptueuse société de commerce. Entouré de ces graves volumes et de ses tableaux, ce bibliothécaire, homme d’esprit et de goût, m’aurait paru bien heureux, s’il pouvait se chauffer ; mais on attache, et avec raison, trop de prix à la conservation de ces uniques documens pour permettre d’allumer du feu pendant l’hiver dans la bibliothèque. Les Anglais sont philosophes, et le librarian du stock-office essaya de me prouver par d’assez bonnes raisons que la chaleur artificielle était contraire à la santé.

Le paiement des intérêts de la dette publique n’est pas le seul lien qui existe entre la Banque et le gouvernement : elle est chargée en outre d’opérer pour le compte de la trésorerie le recouvrement de tous les revenus du royaume sous forme d’excisé, de taxes, de timbres, de droits de poste et de douane, etc. Le moindre shilling perçu dans le pays de Galles, sur les côtes de la Cornouaille, n’importe où, trouve aussitôt le chemin de Threadneedle-street à Londres, et se trouve ainsi en mesure de faire face aux demandes journalières qui assiègent l’état. Qu’on n’aille d’ailleurs pas croire que l’argent ait besoin, pour cela, de voyager du nord au midi et