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Markek était vêtu d’une saie rouge rayée de noir, sans ceinture, et semblable à une cotte d’armes, passée par-dessus une autre saie en peau de daim ; un large baudrier en cuir épais, couvert d’ornemens d’or en ronde-bosse, soutenait sa longue épée à lame ibérienne, à poignée d’or et de corail, ainsi qu’une petite hache. Son casque en cuivre, de forme basse et sans visière, était surmonté de deux grandes ailes de même métal niellé d’argent. Un collier d’or était l’insigne de sa qualité de chevalier, des bracelets ornaient ses bras et ses poignets ; ses chaussures, semblables à des mocassins, étaient retenues à ses braies de peau de daim, ornées de broderies, par des lanières de cuir qui lui entouraient les jambes. À l’arçon de la selle en peau d’ours pendaient une seconde hache de cuivre au manche incrusté d’étain et un coutelas. Son cheval gris de fer secouait les ornemens sonores de sa têtière et frappait de ses pieds impatiens le sol aride des brandes qui bordent les grandes forêts d’Ar-Denan (Ardentes).

Derrière Markek trottait, sur une jument blanche, son écuyer Kad-Wir, c’est-à-dire le batailleur, nom celte qui se prononçait peut-être Kadour. Vêtu de peau, coiffé de fer, il portait le grand bouclier de son maître, bouclier triangulaire dont l’emblème était un cheval noir peint sur fond rouge, et sa lance ornée de cette clochette dont le son annonce à l’ennemi l’approche du guerrier qui méprise les ruses et les embuscades. À cinquante pas derrière eux venaient, dans un nuage de poussière, les bagages et les chariots tirés par des bœufs qu’accompagnaient les gens de pied et les cavaliers de mon clan.

— Hein ? fit M. Désormes en m’interrompant. Ton clan ? Tu étais donc là ?

— Eh certes ! dit Marguerite. Markek, c’était lui ! N’est-ce pas, Marc ?

Avais-je dit que ce fût moi ? Je ne le croyais pas, mais je demandai d’admettre que ce fût moi.

— Cela fera très bien, dit Fanny d’un ton moqueur.

— Si tu l’interromps, reprit Marguerite impatientée, il ne se souviendra plus ! Voyons, Marc !

Marguerite semblait si convaincue des réminiscences de mon esprit que je m’abandonnai à une sorte d’entraînement fiévreux. Peu à peu je perdis complétement la notion du temps et du milieu où j’étais. Les faits se présentèrent à moi à mesure que je parlais, et je les disais tels que je les voyais. Songe, fantaisie ou rappel impérieux d’une existence antérieure, ces faits devinrent pour moi des réalités, des certitudes.

— Markek, me dit mon écuyer, si nous trouvions les marchands étrangers, je tâcherais de faire un échange plus avantageux que