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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/245

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antagonisme absolu entre le parti du gouvernement et l’opposition : plus politiques, les Anglais, dont M. de Persigny a eu plus d’une fois la prétention de copier les précédens, au lieu de rejeter dans une hostilité désespérée les adversaires du ministère, ont le bon goût d’appeler opposition de sa majesté le parti qui combat le gouvernement de sa majesté. Cette réserve faite, nous n’hésitons pas à le déclarer, nous recevons avec plaisir la nouvelle que nous donne M. de Persigny. Un ministre nous apprend, en quittant le pouvoir, qu’il existe un parti du gouvernement, que ce parti est aujourd’hui constitué, que le gouvernement s’appuie enfin non sur une coalition accidentelle, mais sur un parti régulier. Nous voyons, quant à nous, dans cette déclaration un véritable progrès constitutionnel. Admettre un parti du gouvernement, c’est reconnaître implicitement le contre-poids nécessaire d’un parti régulier d’opposition. Entré dans cette voie, on se montre disposé à gouverner par les partis ; or le gouvernement par les partis est l’essence même du gouvernement représentatif, nous dirions du gouvernement parlementaire, si nous n’avions peur de blesser la pruderie de certaines oreilles officielles. La circulaire de M. de Persigny comme la note relative à la nouvelle combinaison ministérielle invoquent de concert le plébiscite de 1851 contre la doctrine de la responsabilité ministérielle, dans laquelle ces deux documens semblent signaler, très inexactement à notre avis, le vice du régime parlementaire. « Ce que le peuple français avait voulu par le plébiscite de 1851,… dit M. de Persigny, c’était surtout de condamner la doctrine funeste qui avait pour résultat de faire tomber le pouvoir des mains de la royauté dans celles des orateurs de la chambre. » Le langage de la note est beaucoup plus modéré. La note rappelle que le plébiscite, en établissant que les ministres étaient responsables envers l’empereur seul, a voulu mettre un terme à ces compétitions d’ambitions parlementaires, causes continuelles d’agitation et de faiblesse pour les gouvernans passés ; après avoir fait allusion au décret du 24 novembre, elle ajoute que « ce décret n’a pas modifié les principes fondamentaux du plébiscite de 1851, qu’un nouveau plébiscite seul pourrait changer. » Le public a été frappé de la préoccupation qui se trahit dans l’un et l’autre document sur les conditions de la responsabilité ministérielle. Le public est fort loin pour le moment d’attacher une importance quelconque à la question abstraite de la responsabilité ministérielle ; il est rarement épris de métaphysique constitutionnelle, et il en est moins épris aujourd’hui que jamais. Nous ne le blâmerons guère de cette indifférence. Les constitutions écrites sont fondées sur des propositions abstraites, lesquelles ont un caractère absolu qui souvent s’accorde peu avec la pratique naturelle des choses. Nous nous en reposons sur les nécessités impérieuses de la pratique du soin de courber les principes trop raides des constitutions écrites. Les institutions, comme tout ce qui est vivant en ce monde, se font chaque jour à l’usage, se modifient et se transforment sans cesse sous