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que de se croire inhabiles à se tirer par leurs propres efforts des grandes épreuves de la destinée, et l’empressement avec lequel ils se jettent parfois aux pieds de quiconque les dispense du soin de répondre d’eux-mêmes est une des défaillances sociales qui ont le plus autorisé les esprits chagrins à douter de la possibilité d’une liberté durable. Ceux qui en politique ne croient pas à la liberté sont comme ceux qui en philosophie ne croient pas à la raison ; ils reviennent par le scepticisme à une tyrannie qu’ils appellent aussi le principe d’autorité.

On ne peut se le dissimuler, notre pays avait reçu dans ces dernières années quelques atteintes du mal d’une sceptique indifférence. Pendant un temps, le sentiment dominant était le même qui porte les rois à l’abdication, cet épuisement qui ne permet plus d’éprouver ou de satisfaire d’autre besoin que celui du repos ; mais une telle disposition ne peut jamais régner seule longtemps chez la nation qui a fait la révolution française, non que l’ardeur de la foi politique puisse tout d’un coup se ranimer et ressaisir en un jour tous les esprits. Ce n’est point par de telles saccades que marche l’opinion ; mais au temps où tout va à l’indifférence succèdent les temps où c’est au contraire l’indifférence qui perd du terrain ; seulement, il faut l’avouer, les gouvernemens sont, rarement assez habiles pour que ce ne soit pas sous la forme de l’opposition que se relève l’esprit politique. Nous en faisons une nouvelle expérience en ce moment.

Je ne fais aucune difficulté de reconnaître que la majorité de la nation, sans assurément tout approuver, a pendant un temps pleinement accepté la forme constitutionnelle établie en 1852 ; mais il est visible qu’elle change aujourd’hui, et qu’il est de l’intérêt du gouvernement de changer comme elle. Donnera-t-il l’exemple, assez nouveau en France, de se transformer à propos ? C’est à cette épreuve que l’attendent les plus clairvoyans de ses amis et de ses ennemis.

Puisque l’on parle tant des vieux partis, il peut être utile de rechercher quelle a été leur participation au mouvement qui vient de se manifester, et de leur dire sans détour et sans amertume ce qu’on attendait d’eux et ce qu’ils n’ont pas toujours réalisé.

Dans l’ordre des dates, le premier des partis est le parti légitimiste, puisque lui-même tient du passé son principe, et, pour légitimer un gouvernement, ne connaît rien d’égal à la consécration du temps. Le respect de l’antiquité a toujours été respectable lui-même, et il donne une réelle dignité au parti légitimiste. Considéré, si l’on ose ainsi parler, dans sa vie privée, nul parti n’a plus de titres à l’estime. Pour ceux mêmes qui professent à l’égard de son principe l’incrédulité la plus absolue, ce principe a cependant le mérite de porter le nom sacré du droit, et même quand le droit