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quelques jours en bon état; mais il fallait se décider avant l’aurore, sous peine de voir les vendeurs rompre brusquement les négociations et cacher leur marchandise.


II.

A quelques lieues de l’Océan, la déclivité si régulière du versant occidental des landes est tout à coup interrompue par la nappe horizontale des étangs et les chaînes de dunes qui se développent parallèlement au rivage : le sol originaire des landes disparaît sous d’énormes amas de sables. A la vue de ce brusque changement dans le relief des terres, il est facile de comprendre qu’on se trouve en face d’une de ces grandes œuvres de la nature accomplies lentement pendant la période actuelle sous l’impulsion continue de forces toujours agissantes; tous les phénomènes que l’on a sous les yeux apparaissent comme l’expression visible de lois géologiques du globe. La plaine rase, les nappes d’eau, les rangées de dunes offrent par leur contraste une certaine variété de paysage; mais la régularité géométrique de l’ensemble est à peine troublée. L’inclinaison du plateau des landes est aussi peu sensible que si la mer l’eût récemment abandonné ; les étangs sont disposés de distance en distance au pied des dunes dans une longue dépression parallèle à l’Océan; ensuite viennent les dunes de sable s’abaissant de rangée en rangée vers la mer; enfin à leur base occidentale se prolonge cette plage rectiligne qui s’étend sur une distance de plus de 220 kilomètres, de l’embouchure de l’Adour à la pointe de la Négade, près de la chapelle du Vieux-Soulac[1].

Cette immense plage, dont le développement égale deux degrés de longitude, n’est interrompue que par l’entrée du bassin d’Arcachon, et plus au sud, par les embouchures de quelques courans ou fuyans faciles à traverser. Rarement visitée, si ce n’est par les douaniers et les gardes-côtes, elle n’est presque jamais suivie sur une partie notable de sa longueur, et cependant elle offre un but de voyage des plus intéressans aux piétons hardis qui, sans sortir de France, voudraient se faire une idée des plages désertes de l’Afrique et du Nouveau-Monde. La course est fatigante et le paysage monotone; mais l’impression qu’on en retire est d’autant plus durable. A marée haute,

  1. Dans une première étude sur le littoral de la France, j’attribuais à M. Amédée Kérédan l’initiative des déblais qui ont complètement dégagé cette ancienne chapelle. C’était une erreur. Dès l’année 1843, un inspecteur des écoles de la Gironde, M. Reclus, avait obtenu pour cette œuvre une souscription de deux mille journées de travail. Plus tard, en 1856, MM. Ribadieu et Pépin d’Escurac attirèrent de nouveau l’attention du public sur ce monument du moyen âge, et c’est principalement à leurs efforts qu’on doit la restauration finale de la chapelle.