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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/702

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moule. Les cyprès de la Louisiane sont plus beaux et plus garnis de branches que ceux des forêts mississipiennes.

Un bien petit nombre de propriétés des landes peuvent être comparées de loin au domaine de Geneste pour la variété des arbres et la beauté des ombrages; mais les progrès accomplis sous ce rapport pendant les dernières années n’en sont pas moins très remarquables. Les parcs, les vergers, les pépinières, se succèdent sans interruption de chaque côté des routes qui rayonnent en éventail autour de Bordeaux, et chaque année ces bandes de verdure se projettent plus avant dans l’intérieur des landes. De nouvelles plantations, facilitées par l’économie des transports et par l’existence des fossés d’écoulement, enveloppent d’une ceinture d’arbres chaque station du chemin de fer de Rayonne, et se prolongent à droite et à gauche de la voie sur la plus grande étendue de son parcours. Des forêts naissantes s’élèvent également sur les bords des routes agricoles et départementales qui traversent la contrée. Tout le système des chemins peut être considéré comme un réseau nerveux dont chaque hameau est un ganglion répandant autour de lui le mouvement et la vie.

Une loi spéciale, votée en 1857, a puissamment contribué à hâter la prochaine transformation des landes en une vaste forêt. Cette loi, modelée en partie sur le décret de 1810, qui remettait à l’état le soin d’ensemencer les dunes, enjoint aux communes d’assainir et d’ensemencer chaque année la douzième partie de leurs landes sous peine de voir l’état se charger lui-même de la besogne et se constituer propriétaire des plantations jusqu’à remboursement complet de ses frais de culture. Sous cette menace à peine déguisée d’expropriation pure et simple, les communes ne pouvaient hésiter un seul instant. La plupart d’entre elles, trop pauvres pour commencer immédiatement les travaux prescrits par la loi, ont résolu de vendre une partie de leurs landes afin de conserver le reste et de garder leurs prérogatives de propriétaires[1]. Les riches acquéreurs s’empressent d’augmenter la valeur de leurs domaines par des ensemencemens ou des plantations, tandis que les communes pourvues des fonds nécessaires se mettent également à l’œuvre et remplacent leurs bruyères par des semis de pins. Ainsi particuliers et municipalités travaillent avec la même ardeur à la transformation du pays; sur presque tous les points du plateau, on aperçoit déjà de jeunes tiges de pins se dressant au-dessus du sol. Dans quelques années, les landes auront cessé d’exister; à leur place s’étendront de vastes forêts, semblables à celles qui couvrent toute la

  1. En 1860, les communes du département de la Gironde possédaient 107,000 hectares de landes. Lo prix moyen des ventes est de 90 francs par hectare.