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la population indienne. Ce ne furent plus dès lors les Portugais seuls, mais bien les « francs-maçons, » c’est-à-dire la grande majorité des habitans mâles de race blanche, qui furent menacés d’abord, puis décidément vaincus. Après leur défaite, le parti indigène essaya de constituer un gouvernement séparé. Au bout de six mois cependant, las de leurs vains efforts, les rebelles acceptèrent un président nouveau que Rio-Janeiro avait envoyé. Celui-ci, par malheur, jugea indispensable, pour la sécurité de l’avenir, de frapper l’insurrection dans la personne de son principal promoteur. L’arrestation de Vinagre, idole de la populace, devint le signal d’une nouvelle révolte plus terrible que la première. Une multitude d’hommes de couleur, à demi sauvages, se rassembla secrètement dans les criques boisées qui se trouvent au-dessus de Pará, et au jour dit, après que le frère de Vinagre eut vainement sommé le président, à trois reprises différentes, de mettre en liberté le champion de la cause populaire, une foule furieuse déborda sur la ville par toutes les sombres issues de la forêt qui l’enveloppe. Neuf jours entiers, on se battit dans les rues, les autorités légales soutenant la résistance avec l’aide de trois vaisseaux de guerre qui, embossés dans le port, représentaient respectivement la France, l’Angleterre et le Portugal. En fin de compte néanmoins les représentans du pouvoir central furent obligés de se retirer, avec tous les amis de la paix et de l’ordre, sur une île peu éloignée de la cité, qui demeura, ainsi que la province, livrée à une complète anarchie. Les gens de couleur, emportés par la victoire, proclamèrent le massacre de tous les blancs à l’exception des résidans français, anglais et américains. Le principe semblait devoir être appliqué avec tant de rigueur que les promoteurs de la rébellion, après avoir soulevé cette haine de races, se virent eux-mêmes forcés de s’y soustraire. A l’intérieur cependant, les soutiens du pouvoir légal, aidés, il faut le dire, par des tribus entières de race indienne et par un grand nombre de nègres et de mulâtres imbus de principes meilleurs, se concentrèrent dans certaines positions fortifiées et s’y maintinrent jusqu’en 1836, où après dix mois d’anarchie la capitale et les grandes villes de l’intérieur furent reprises par des forces militaires qu’on avait envoyées de Rio-Janeiro. La sécurité ne tarda pas à renaître après qu’on eut emprisonné ou transporté les principaux perturbateurs de la paix publique, et accordé à la masse des révoltés toutes les sûretés d’une amnistie pleine et entière. Par elle-même en effet, la population des Amazones est plus simple, plus paisible, de mœurs plus douces que celle des provinces brésiliennes situées au sud. Les meurtres fréquens qui ont donné à ces dernières une si détestable réputation sont presque inconnus à Pará; il faut dire, par compensation, que