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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/832

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fleuve Muonio, qui se jette dans le golfe de Bothnie ; elle atteint presque à la côte occidentale près du Kaa-Fiord : c’est une épine enfoncée dans le corps de la Norvège. Celle-ci comprend le danger, car tout le monde connaît les traditions surannées de cette politique qui se figure que la puissance d’un pays est proportionnelle à sa surface, tandis que l’expérience nous apprend qu’elle réside dans ses institutions, la richesse de son territoire, l’intelligence de ses habitans et la concentration de ses forces. La France est plus puissante que la Russie ; l’Angleterre considère l’empire des Indes comme un legs onéreux de la fausse économie politique du siècle dernier. Hammerfest possède cependant un monument qui fait le plus grand honneur à deux souverains de la Russie, Alexandre Ier et Nicolas Ier et au roi de Suède Oscar Ier. C’est une colonne en granit de Finlande portant un globe terrestre : cette colonne marque l’extrémité septentrionale de l’arc du méridien qui s’étend de Hammerfest jusqu’au Danube à travers la Norvège, la Suède et la Russie. Cette triangulation, la plus longue qui ait été faite sur le globe terrestre. « Nécessité la coopération d’un grand nombre de géomètres et un travail incessant de trente-six années comprises entre 1816 et 1852 ; c’est M. Struve, directeur de l’Observatoire de Poulkova, qui a dirigé cette immense entreprise scientifique. Lorsqu’elle fut terminée, des astronomes séjournèrent pendant plusieurs années dans une petite maison pour déterminer avec la dernière rigueur la latitude et la longitude de l’extrémité de ce méridien. La France n’est pas restée complètement étrangère à cette grande opération. En 1838, le roi Louis-Philippe, qui avait visité la Laponie dans sa jeunesse, envoya dans le Nord une commission scientifique : elle parcourut la Norvège, la Suède, l’Islande, les Feroë, et aborda le Spitzberg pendant deux étés consécutifs. Dans l’hiver qui les séparait, quelques membres de la commission, MM. Bravais et Lottin, lieutenans de vaisseau de la marine française, et MM. Lilihoeck et Siljestroem, le premier officier de la marine suédoise, le second physicien, élève de Berzélius, hivernèrent sur le continent à Bossekop, un peu au sud de Hammerfest, et y élevèrent un observatoire dont la position fut également déterminée par une longue série d’observations. Ces deux stations astronomiques reliées entre elles seront pour les siècles futurs des points de repère précieux dans tous les travaux qui auront pour objet la détermination de la figure du globe terrestre. Ce n’est pas le seul service que la commission du Nord en 1838 ait rendu à la science dans ces parages éloignés. L’observation continue et rigoureuse des aurores boréales suivies chaque nuit pendant tout un hiver date de cette expédition. Le magnétisme terrestre a été étudié par elle dans toutes ses branches, ainsi que la météorologie, la physique du globe et l’histoire naturelle. Pourvus par la générosité