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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/910

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de ces vers qui naissent jusque dans les tissus les plus secrets, jusque dans l’intérieur des muscles, dans l’intérieur du cerveau, semblait un véritable mystère : eh bien! ce mystère est aujourd’hui expliqué, et l’origine de ces êtres étranges est ramenée aux lois ordinaires de la reproduction : seulement elle nous offre un des cas les plus merveilleux et les plus étranges de la théorie des métamorphoses. C’est ce qui est décidément établi par les beaux travaux de M. Van Beneden. Qui se fût douté, avant ce savant, qu’un ver parasite fût destiné à passer une partie de sa vie dans un animal, et l’autre partie dans un autre, qu’il dût vivre à l’état fœtal dans un animal herbivore, à l’état adulte dans un animal carnivore? C’est pourtant ce qui arrive. Ces animaux changent en quelque sorte d’hôtelleries. Ainsi le lapin loge et nourrit un ver parasite qui ne deviendra adulte que dans le chien; le mouton nourrit le cœnure, qui dans le loup devient un ténia. Tout ver parasite passe par trois phases : la première est celle de l’œuf pondu dans l’intestin du carnivore et rejeté par celui-ci; — la seconde, celle de l’embryon: l’œuf est avalé par l’herbivore, avec l’herbe qu’il broute, et il éclôt dans son estomac; — la troisième est celle de l’adulte. Celle-ci a lieu dans le corps du Carnivore qui se nourrit d’herbivores[1]. Tout le mystère est expliqué sans génération spontanée. D’ailleurs la découverte des sexes et des œufs dans les entozoaires tranche évidemment la question.

Après avoir montré où en est le débat sur la génération spontanée, il nous suffirait, pour emporter la conviction du lecteur, d’exposer avec quelque détail les expériences si belles et si lumineuses de M. Pasteur sur ce difficile sujet; mais comment résumer des expériences dont l’art réside avant tout dans la précision extrême du détail, et dans une sagacité qui ne laisse échapper aucune cause d’erreur? Contentons-nous d’indiquer trois points principaux des travaux de M. Pasteur. Il a établi d’abord que l’air contient en suspension des corpuscules organisés, tout à fait semblables à des germes, et il a pu les recueillir avec abondance par une méthode qui lui est propre; il a montré que le nombre de ces corpuscules diminuait à mesure que l’on s’élevait dans l’atmosphère, en vertu des lois de la pesanteur, qui les attire vers la terre, et en effet, exposant divers liquides à l’air libre à différentes hauteurs de l’atmosphère, il obtenait d’autant moins de générations dites spontanées qu’il s’élevait plus haut : faits parfaitement conformes à l’hypothèse de la dissémination des germes. La seconde série de ses expériences a consisté à empêcher la production des générations

  1. Flourens, Journal des Savans, mai 1861.