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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/308

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problème de la navigation aérienne se sont souvent plaints que cette question fût comptée au nombre de celles que les savans et les académies traitent avec dédain et indifférence. À ce sujet, ils rappellent avec complaisance l’incrédulité contre laquelle se heurtèrent les ingénieurs qui voulurent les premiers appliquer la vapeur à la locomotion terrestre, fluviale ou maritime. Ces plaintes sont-elles fondées? Les problèmes que l’on met au ban de la science appartiennent à deux catégories bien distinctes. Les uns, le mouvement perpétuel est de ce nombre, sont considérés comme insolubles parce que le résultat serait en opposition avec les lois de la nature. Il n’y faut songer ni maintenant ni plus tard, car l’impossibilité est radicale. Pour d’autres problèmes, l’impossibilité n’est que relative et n’a d’autre cause que l’imperfection des organes qui nous servent. La solution dépend de certaines questions secondaires. De même que le général qui assiège une ville doit faire capituler les forts détachés avant de s’attaquer au corps de place, de même l’ingénieur qui prétend naviguer dans l’atmosphère doit d’abord perdre de vue le but final de ses recherches et lever les obstacles subsidiaires qui lui obstruent la voie, fabriquer un ballon imperméable, créer un moteur d’une légèreté inouïe, peut-être ajouter un nouveau corps simple à la nomenclature chimique ou une nouvelle loi aux principes de la mécanique. Avec les ressources actuelles, c’est une illusion que de prétendre voler comme l’hirondelle ou même comme le plus pesant oiseau de nos basses-cours. N’ayons donc plus de ces préoccupations insensées. N’eût-il pas été vain de discuter au siècle d’Aristote l’existence d’un continent au-delà de la mer Atlantique, puisque les trirèmes ne pouvaient franchir cet océan? Il y a cent ans, lorsqu’on ne connaissait, en fait de machines à vapeur, que l’informe et lourde pompe à feu des mines de la Cornouaille, les rêveurs s’occupaient seuls d’employer la vapeur à la traction des voitures et des bateaux. Lorsqu’on eut inventé les condensateurs de Watt, la chaudière tabulaire, la détente et tous les autres perfectionnemens de la machine à vapeur actuelle, le rêve devint une réalité, et l’application s’en fit sans difficulté. On peut donc se demander à quoi servent les efforts de ces nouveaux Dédale. Attaché au sol par les invincibles liens de la pesanteur, l’homme n’a de puissance qu’autant qu’il s’arc-boute sur un élément qui lui résiste. La terre et l’eau sont les seuls points d’appui où, comme Antée, il puisse reprendre incessamment des forces. Son royaume ne s’étend pas plus haut :

Omnia possideat; non possidet aëra Minos.

Du reste, il n’est pas juste de reprocher aux mathématiciens d’avoir étouffé la question sans l’examiner avec soin. Il y a plus de