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donnent à l’homme sur le monde et sur l’homme lui-même est leur plus solide garantie. Quiconque a goûté de ce fruit ne saurait plus s’en détacher. Tous les esprits réfléchis sont ainsi gagnés sans retour, à mesure que s’efface la trace des vieux préjugés, et il se constitue dans les régions les plus hautes de l’humanité tout un ensemble de convictions qui ne seront plus jamais renversées.



II.


J’ai dit ce qu’était la science positive, son objet, sa méthode, sa certitude ; je vais maintenant parler de la science idéale. Commençons par son objet.

La science positive n’embrasse qu’une partie du domaine de la connaissance, telle que l’humanité l’a poursuivie jusqu’à présent. Elle assemble les faits observés et construit la chaîne de leurs relations ; mais cette chaîne n’a ni commencement ni fin, je ne dis pas certains, mais même entrevus. La recherche de l’origine et celle de la fin des choses échappent à la science positive. Jamais elle n’aborde les relations du fini avec l’infini. Cette impuissance doit-elle être regardée comme inhérente à l’intelligence humaine ? Faut-il, avec une école qui compte en France et ailleurs d’illustres partisans, faut-il regarder comme vaine toute curiosité qui s’étend au-delà des relations immédiates entre les phénomènes ? Faut-il rejeter parmi les stériles discussions de la scolastique tous les autres problèmes, parce que la solution de ces problèmes ne comporte ni la même clarté, ni la même certitude ?

La réponse doit être cherchée dans l’histoire de l’esprit humain : c’est la seule manière de rester fidèle à la méthode elle-même. Or la science des relations directement observables ne répond pas complètement et n’a jamais répondu aux besoins de l’humanité. En deçà comme au-delà de la chaîne scientifique, l’esprit humain conçoit sans cesse de nouveaux anneaux ; là où il ignore, il est conduit par une force invincible à construire et à imaginer, jusqu’à ce qu’il soit remonté aux causes premières. Derrière le nuage qui enveloppe toute fin et toute origine, il sent qu’il y a des réalités qui s’imposent à lui, et qu’il est forcé de concevoir idéalement, s’il ne peut les connaître. Il sent que là résident les problèmes fondamentaux de sa destinée. Ces réalités cachées, ces causes premières, l’esprit humain les rattache d’une manière fatale aux faits scientifiques, et, réunissant le tout, il en forme un ensemble, un système embrassant l’universalité des choses matérielles et morales.

Ce procédé de l’esprit humain représente donc un fait d’observation, prouvé par l’étude de chaque époque, de chaque peuple,